CÔTÉ NORD, STELLA A OSÉ UNE PALETTE EN CLAIR-OBSCUR
après avoir habillé les femmes (et avant de passer aux hommes), Stella Cadente a « habillé », ainsi qu’elle aime à le dire, les vingt-deux chambres et huit salles d’eau de sa maison d’hôte située en Brie champenoise, à Provins, non loin des fortifications médiévales de la ville. Un véritable exercice de style, puisque chacune possède un univers fort. La créatrice a puisé son inspiration dans les contes, mais aussi dans les histoires mêlant le paradoxe, l’absurde et le bizarre, inventant un monde surréaliste, ingénu et coloré, proposant ainsi à ses convives une aventure poétique et décalée. Au commencement, il y a bien longtemps, « cette demeure bourgeoise appartenait à une vieille dame qui vivait seule et adorait les oiseaux, explique la styliste. La végétation qui les abritait était devenue si dense, que le jour ne pénétrait jamais plus dans la maison devenue nid ». Stella Cadente la découvrit d’abord, l’aima beaucoup, l’acquit, et la transforma enfin. Cinq cent quarantesept jours plus tard, le nid s’était transformé en château. En ce soir de décembre, deux étoiles et une guirlande lumineuses sont placées sur le seuil en guise de préambule à l’histoire qui va se jouer. En haut de la page, une enluminure. Celle de l’entrée où quatre mille feuilles cuivrées ont été posées une à une, jusqu’au grenier, par Stella Cadente.
COMME UN LIVRE DE CONTES La créatrice a réveillé cette belle demeure du XIXe siècle en renforçant la luminosité des pièces exposées sud avec des tons clairs. Les autres, au nord, ont vu leur dimension obscure soulignée par une palette de couleurs profondes. Au rez-de-chaussée, l’association de violet et de bleu – signature de Stella Cadente – posés en camaïeux sur les murs et les plafonds, est reprise par le mobilier et les accessoires. La poésie ambiante, comme celle des verres sans pied à double paraison, se joue de la logique. Sur la table, un village de maisonnettes dorées projette ses ombres sur les visages des invités. Parmi elles, trônant sur une théière sans Loir, une couronne dorée, sans reine de Coeur, évoque Alice et ses Merveilles. Les rideaux en velours ou en satin de soie, agrémentés de plumes ou gansés de fourrure, ont été cousus comme des robes de haute couture. Dans le salon turquoise, le sapin semble avoir été décoré pour un goûter d’anniversaire, avec ses boules et flocons surdimensionnés en papier plié. Les cadeaux intriguent. Que contiennent-ils ? Un lièvre et un chapeau? Une montre à gousset ou un sourire de chat ? Les réponses seront-elles au bout du couloir, en haut de l’escalier ? À l’étage, les chambres évoquent d’autres histoires. Celle, immaculée, de la Reine des Neiges qui irradie de blancheur et scintille de cristal. Celle de Peau d’Âne, où la présence d’animaux prolonge les songes. Celle d’Alice, toute en damier, ou encore celle du Chat Botté. Lorsque la journée s’achève, le monde de la nuit s’installe. Il était une fois…