Campagne Decoration

MIEUX QU’UN JARDIN D’HIVER

- PAR MARIE-MAUD LEVRON / PHOTOS ÉRIC D’HÉROUVILLE

CERNÉE PAR L’AZUR DE L’OCÉAN, L’ÎLE AVEC SA VÉGÉTATION LUXURIANTE EST UN VRAI PARADIS. ENTRE CÔTES ACCIDENTÉE­S EN À-PIC, FORÊTS À PERTE DE VUE ET VALLÉES EN TERRASSES, L’ARCHIPEL VOLCANIQUE CULTIVE SON ART DE VIVRE.

Les deux richesses de l’île : sa flore et son héritage portugais

DÉCOUVERTE PAR ACCIDENT, AU XIVE SIÈCLE, PAR UN ÉQUIPAGE LUSITANIEN AU BORD DU NAUFRAGE, MADÈRE SOIGNE DEPUIS LES VESTIGES DE SON PASSÉ PRESTIGIEU­X, POUR LE PLUS GRAND BONHEUR DES VISITEURS. Azulejos, artisanat de la vannerie, du cuir, de la broderie, exploitati­on de la vigne et de la canne à sucre ont porté la renommée de l’archipel au-delà des mers.

c’est un caillou volcanique recouvert de forêts de lauriers et d’eucalyptus, un mélange de parfums capiteux, des piscines naturelles creusées par la lave. C’est aussi la trace de la main de l’homme, qui a apprivoisé les pentes escarpées en terrasses, irriguées par un système de canaux, les levadas. On vient à Madère pour la douceur de son climat (entre 16 et 25 °C toute l’année), pour prendre un peu de hauteur aussi, juché sur le volcan qui multiplie les points de vue, comme celui du belvédère de Pico dos Barcelos, au-dessus de Funchal. La richesse de Madère réside surtout dans ses paysages diversifié­s, rarement réunis sur une si petite superficie. La côte sud, populaire, protégée des alizés dominants, est la plus calme, tandis que la côte nord, montagneus­e, offre un spectacle de bleu, de vert et de blanc dû aux assauts incessants de l’Atlantique qui dessine son relief. Au retour d’une excursion en ferry à Porto

Santo, à la nuit tombante, surgit la côte sauvage de Madère, telle qu’ont pu la contempler, en leur temps, les premiers explorateu­rs. Car la découverte de cette langue de terre, c’est l’histoire d’un naufrage qui finit bien. Au début du XIVe siècle, de jeunes navigateur­s portugais pris dans une tempête au large de la Guinée sont repoussés par les ressacs sur une petite île qu’ils baptisent Porto-Santo. Ils aperçoiven­t à l’horizon, à une trentaine de kilomètres, un imposant volcan couvert d’épaisses forêts qu’ils décident d’explorer l’année d’après. Ainsi, le 1er juillet 1419, l’équipage mené par João Gonçalves Zarco (1390-1470) contourne le nord de l’île, inabordabl­e avec ses falaises en à-pic, et accoste au sud. La végétation luxuriante est une source d’inspiratio­n pour Zarco, qui prénomme l’île déserte Madeira, « l’île du bois », et la capitale qu’il fonde, Funchal, d’après le portugais funcho, « fenouil ». Dès 1470, des esclaves venus d’Afrique participen­t à l’exploitati­on agricole de la canne à sucre. Avec le bois précieux, elle constitue pendant des siècles l’essentiel de l’économie de Madère. Et puis Funchal, situé à 1 000 kilomètres de Lisbonne et 600 kilomètres des côtes africaines, est l’escale

idéale sur la route des explorateu­rs. Les caravelles y font le plein de vivres et de mâts. Concurrenc­ée par le Brésil au XVIIe siècle, l’île est

délaissée. Au XVIIIe siècle, elle tente néanmoins de trouver une issue et augmente sa production du fameux vin de Madère, dont la consommati­on se développe en Europe, et devient alors le port d’acclimatat­ion de la bonne société partant ou revenant des colonies d’Inde ou d’Afrique. La douceur de Madère, à juste titre surnommée le Jardin flottant ou la Perle de l’Atlantique, séduit aujourd’hui les amoureux de la nature. L’archipel regroupe des îles désertes et sauvages, véritables réserves naturelles peuplées de phoques moines protégés, et deux îles habitées, Madère et Porto-Santo.

Funchal, sa capitale colorée et animée est désormais le centre du commerce de l’île et constitue l’une des escales principale­s pour les immenses paquebots de croisière de l’océan Atlantique. On y découvre le Mercado dos Lavradores, le « marché des fermiers », à arpenter le matin dès 7 heures en compagnie des locaux, avant l’arrivée en masse des touristes. Là, les fleuristes hèlent le passant en agitant des perroquets, ces drôles de fleurs qui ouvrent grand leur bec. On y trouve un bon aperçu de la diversité des fleurs et fruits exotiques, des poissons, ainsi que de l’artisanat local. La journée idéale ? Prendre le téléphériq­ue de Funchal qui se perd dans la brume jusqu’aux Jardins tropicaux Monte Palace, respirer les odeurs d’humus et d’eucalyptus dégagées par la végétation, visiter le jardin et l’église voisine, avant de redescendr­e par la Levada dos Tornos, chemin qui longe les traditionn­els canaux d’irrigation, jusqu’au Jardin botanique. Et finir la journée en dînant dans l’un des restaurant­s de poisson du quartier Santa Maria ou au bord de l’eau, au Lido.

On peut également tester les étranges carros de cesto. Autrefois, les riches Madériens, propriétai­res de résidences accrochées aux flancs de Monte, descendaie­nt à Funchal dans ces voitures d’osier à deux places, montées sur patins. Ils parcouraie­nt ainsi 2 kilomètres, guidés par des « carreiros », toujours vêtus de blanc, d’un chapeau de paille et de bottes solides qui leur permettent de freiner avec les pieds. Vous l’aurez compris, Madère cultive aussi son image pittoresqu­e…

 ??  ?? LA CASERNE du fort de São Tiago, à Funchal. LES TYPIQUES botas de Vilão (« bottes des Vilains »), portées par les pousseurs de carros de cesto vêtus de blanc, qui font descendre les touristes dans les rues abruptes et étroites de Funchal dans ces...
LA CASERNE du fort de São Tiago, à Funchal. LES TYPIQUES botas de Vilão (« bottes des Vilains »), portées par les pousseurs de carros de cesto vêtus de blanc, qui font descendre les touristes dans les rues abruptes et étroites de Funchal dans ces...
 ??  ?? LES AZULEJOS racontent le passé de l’île, comme ici dans l’ancienne caserne près du fort de São Tiago, à Funchal.
LES AZULEJOS racontent le passé de l’île, comme ici dans l’ancienne caserne près du fort de São Tiago, à Funchal.
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 ??  ?? CES CLÔTURES EN BOIS, résistant aux embruns de la mer, font partie du paysage typique de l’île. LES PORTUGAIS ont importé de splendides azulejos datant du XVe au XXe siècle, dont certains sont conservés dans les Jardins tropicaux Monte Palace, sur les...
CES CLÔTURES EN BOIS, résistant aux embruns de la mer, font partie du paysage typique de l’île. LES PORTUGAIS ont importé de splendides azulejos datant du XVe au XXe siècle, dont certains sont conservés dans les Jardins tropicaux Monte Palace, sur les...
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 ??  ?? LES PANIERS traditionn­els des jardiniers de l’île sont toujours utilisés dans les jardins privés de l’hôtel Casa Velha do Palheiro, à Funchal. Ouverts au public en semaine, ils sont réputés pour leur richesse et la beauté de leur agencement. FAÇON...
LES PANIERS traditionn­els des jardiniers de l’île sont toujours utilisés dans les jardins privés de l’hôtel Casa Velha do Palheiro, à Funchal. Ouverts au public en semaine, ils sont réputés pour leur richesse et la beauté de leur agencement. FAÇON...
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SUR LES HAUTEURS DE MONTE, depuis le balcon d’une maison bourgeoise, on voit Funchal dérouler ses ruelles jusqu’à l’océan.

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