Campagne Decoration

LA CORDE SENSIBLE

- PAR CLAIRE LE BOUAR / PHOTOS JEANNE ARBUS

Luthier, antiquaire, musicien… Patrick Arguence se définit comme les trois à la fois. Une chose est sûre, en matière d’instrument­s de musique anciens, il apprécie le haut de gamme !

’est dans le petit village de La Chapelle-Souëf, dans le Perche, que Patrick Arguence aime rassembler les amoureux de la musique, qu’ils soient apprentis luthiers, mélomanes ou artistes. Il nous ouvre les portes de sa salle de concert où il organise des auditions une fois par mois, d’octobre à avril. Là, se côtoient pour l’occasion un florilège d’instrument­s anciens à cordes. Luthier depuis trente-cinq ans, Patrick Arguence est aussi antiquaire, avec une prédilecti­on pour les instrument­s à cordes. Et ils sont nombreux. Parmi eux, on trouve ceux à cordes frottées (que l’on fait vibrer à l’aide d’un archet), intégrés à partir de 1750 dans l’orchestre symphoniqu­e, tels le violon, l’alto, le violoncell­e ou la contrebass­e. Ou encore les instrument­s baroques, moins connus du grand public, comme l’arpeggione, également appelé guitare violoncell­e, la viole de gambe et la vielle à roue, apparue au Moyen Âge, dont les cordes sont frottées par une roue actionnée à l’aide d’une manivelle. Les instrument­s à cordes pincées ne sont pas en reste, comme la guitare baroque, le luth, la mandoline, la lyre qui existait déjà du temps des Grecs, ou la harpe. Patrick

CArguence ne délaisse pas non plus les instrument­s à cordes frappées – le piano et ses ancêtres, l’épinette et le clavecin. Nommé Meilleur Ouvrier de France en restaurati­on pour les instrument­s de musique anciens issus des collection­s de musées, le luthier restaure aujourd’hui pour les particulie­rs. Il possède une boutique à Paris, un endroit magique qui regorge de guitares baroques, violons et violoncell­es. « La restaurati­on du patrimoine me fascine, confie

le luthier antiquaire. Plus l’instrument est ancien, plus il faut faire attention et respecter son origine. Dans un musée, quand j’entends devant un instrument que plus aucun artisan ne peut le fabriquer, je réagis car je me pique de copier à l’identique les oeuvres du passé. Le travail de la marqueteri­e ou de l’ivoire demande beaucoup de minutie, mais c’est passionnan­t. Depuis que je suis enfant, poursuit Patrick Arguence, j’adore les instrument­s de musique. Je leur ai consacré ma vie. Lorsque j’achète un violoncell­e ou une vielle à roue, c’est tout son univers qui m’émeut : le nom de l’artiste auquel il a appartenu, sa valeur marchande, son histoire… Il faut voir l’objet comme une oeuvre d’art atypique, un ensemble. Les instrument­s sont presque des personnes qui m’entourent. En tant que luthier, j’ai une relation physique avec eux. J’en suis vraiment amoureux.» VIBRATIONS ÉMOUVANTES

Patrick Arguence est également charmé par l’objet ancien des XVIIIe et XIXe siècles dans lequel il trouve poésie et romantisme. « Charles X avait commandé en 1825 un quatuor à cordes avec une contrebass­e pour l’orangerie de son château, nous raconte-t-il en désignant un morceau de bois acquis au cours d’une vente aux enchères. Le luthier Eugène Gand fabrique ce quatuor, auquel il ajoute une contrebass­e. Mais un incendie est survenu dans l’orangerie, et tous les instrument­s y ont brûlé. Seul un fragment de la contrebass­e a été conservé.» Sur ce dernier vestige ayant appartenu au roi de France, on reconnaît les armoiries de Charles X, l’emblème avec la couronne, et le millésime 1828. Le luthier éprouve aussi de l’émotion devant l’intelligen­ce d’un savoir-faire et la maîtrise de la main d’un artisan. Dans son fief musical du Perche, il partage son amour de l’artisanat musical en organisant des stages de lutherie pour guitares baroques ou romantique­s. Et perpétue l’existence de ces instrument­s anciens, comme cette guitare baroque datant du XVIIIe siècle, lors des fameux concerts. Car « un instrument qui n’a pas joué pendant très longtemps s’endort », affirme-t-il. Avec Patrick Arguence, ils sont entre de bonnes mains.

 ??  ?? LES INSTRUMENT­S À CORDES sont aussi de vrais objets de décoration. Ces étuis en bois du XIXe siècle (ci-dessus) ou cet authentiqu­e canapé de salon de musique du XVIIIe (ci-contre) montrent à quel point l’univers du mélomane est esthétique et inspirant.
LES INSTRUMENT­S À CORDES sont aussi de vrais objets de décoration. Ces étuis en bois du XIXe siècle (ci-dessus) ou cet authentiqu­e canapé de salon de musique du XVIIIe (ci-contre) montrent à quel point l’univers du mélomane est esthétique et inspirant.
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finement ciselée d’une guitare viennoise de Johann Stauffer du début XIXe siècle. Ce luthier autrichien est connu pour avoir inventé l’arpeggione, une guitare se jouant comme un violoncell­e.
Aujourd’hui tombé dans l’oubli,...
CROSSE EN ARGENT finement ciselée d’une guitare viennoise de Johann Stauffer du début XIXe siècle. Ce luthier autrichien est connu pour avoir inventé l’arpeggione, une guitare se jouant comme un violoncell­e. Aujourd’hui tombé dans l’oubli,...
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 ??  ?? LA ROSACE EN IVOIRE d’une guitare baroque du XVIIIe représenta­nt sainte Cecile, patronne des musiciens, la tête sculptée d’une vielle à roue de la même époque tout comme la colonne sculptée d’acanthes de cette harpe ayant appartenu à la...
LA ROSACE EN IVOIRE d’une guitare baroque du XVIIIe représenta­nt sainte Cecile, patronne des musiciens, la tête sculptée d’une vielle à roue de la même époque tout comme la colonne sculptée d’acanthes de cette harpe ayant appartenu à la...
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