L’âme bohème au détour du chemin, c’est le dépaysement garanti
COMME UNE INVITATION À UN VOYAGE IMMOBILE DANS LES PRÉS, CETTE COQUETTE ROULOTTE JAUNE AUX FENÊTRES ORNEMENTÉES APPORTE UN RAYON DE SOLEIL DANS LES PAYSAGES IMMACULÉS DE L’HIVER. À l’intérieur de cette authentique verdine, il fait bon se prélasser, bercé par la chaleur du vieux Godin (Les Loges du Coinchet).
ne vous fiez pas au silence qui enveloppe ces paysages emmitouflés sous la neige immaculée. À l’heure de l’après-ski, le Haut-Jura vous révèle sur un plateau ses innombrables talents cachés. Lunetterie, horlogerie et taille de pierres précieuses, mais également boissellerie, tournerie ou fabrication de pipes, ce pays bruisse de traditions artisanales. À l’image de Moirans-en-Montagne, capitale du jouet en bois, où le musée du Jouet fait affleurer notre âme d’enfant avec ses poupées, marionnettes, trains, jeux de société ou de construction…
Pelotonnée au pied des hautes montagnes, Saint-Claude affiche fièrement son titre de capitale de la pipe en racine de bruyère. Un savoirfaire célébré au musée de la Pipe et du Diamant à travers une collection de bouffardes sculptées à l’effigie de personnalités, de Bernard Blier à Patrick Louis Vuitton en passant par DSK, Guy Béart ou Michel Drucker, tous membres de la Confrérie des maîtres-pipiers de Saint-Claude. Plus à l’est, dans une atmosphère de « Danse avec les loups »,
voici le pays des Hautes-Combes, un territoire de moyenne montagne juché à plus de 1000 mètres d’altitude, réparti entre Lajoux et La Pesse. «L’alternance entre les combes, les plateaux et les forêts en fait un véritable paradis pour les plaisirs nordiques : ski de fond, raquettes, traîneaux à chiens », détaille Jean-Luc, dont la maison d’hôte La Trace, ancienne ferme jurassienne située sur l’itinéraire de la Grande Traversée du Jura, est le point de départ idéal pour explorer la région. Les amoureux des grands espaces et du silence ont aussi leur point de chute : L’Alpage du Levant, aux Molunes. Pour y accéder, on emprunte un chemin enneigé, chaussé de raquettes. Au bout d’environ 600 mètres, un ancien chalet d’alpage reconverti en gîte surgit au beau milieu d’un épais tapis de neige à 1300 mètres d’altitude. L’esprit nomade souffle aussi du côté des Loges du Coinchet, à La Pesse. Les cabanes de trappeur ou sur pilotis, à l’orée de la forêt, abriteront vos rêves et vous aideront à apprivoiser le rythme particulier des journées d’hiver. « Le Haut-Jura, c’est aussi prendre le temps de ne rien faire, regarder ce que nous offre la nature, écouter le silence», philosophe Martine Chazotte, la proprié- taire des Loges. En chemin, vous apprécierez la signature architecturale si particulière de la région : les tavaillons. « Dans tout le pays, ces petites tuiles d’épicéa fendues, disposées comme des écailles, sont utilisées pour couvrir les façades exposées à la pluie et à la neige afin de les protéger des rudes hivers jurassiens », explique Robert Dromard, artisan tavaillonneur aux Bouchoux depuis 1999. À table, les produits régionaux racontent encore l’histoire du pays. Direction L’Anversis, bistrot de montagne (au pied des pistes) à la Combe du Lac, près de Lamoura, où le chef Bernard Robbe transforme le quotidien en petits moments de bonheur dans l’assiette… On attaque par une mémorable soupe aux lentilles de Vesancy, avant de poursuivre par une saucisse de Morteau en croûte arrosée d’un vin rouge du Jura, le poulsard.
Aux Rousses, la station aux quatre villages, tous les sports de neige sont permis pour jouer à saute-frontière sur le fabuleux domaine franco-suisse : ski alpin et nordique, raquettes, balade en chiens de traîneau, luge… Depuis le sommet de La Dôle, accessible en télésiège, on profite d’un panorama exceptionnel sur la chaîne des Alpes, le mont Blanc et le lac Léman. Le soir, après le ski, l’ambiance conviviale du petit bourg se réveille… L’odeur des châtaignes grillées, des crêpes fondantes et du vin chaud envahit la rue Pasteur où l’on déambule le nez au vent. «Les vacances d’hiver ne se résument plus uniquement à des virées sur les pistes, explique Murielle Uny, à la tête de l’hôtel trois étoiles Le Lodge depuis 2006. Les hôtes aiment se retrouver au coin du feu, devant un bon chocolat chaud à la cannelle. Puis, ils jouent aux cartes ou aux échecs, empruntent les livres dans la bibliothèque et apprécient plus que tout cette atmosphère familiale et chaleureuse.» À la sortie du village, un détour s’impose à La Meublerie du Bois de l’Ours, temple de la décoration d’intérieur en bois. Une vraie caverne d’Ali Baba qui propose sur trois niveaux une belle collection de mobilier à l’esprit montagne. Les coulisses du terroir s’explorent aussi. Au Fort des Rousses, délaissé par les militaires, vous pourrez arpenter les caves d’affinage de fromage : sous la voûte de 214 mètres de long, 6 000 meules de comté attendent patiemment, en moyenne dix-huit mois, d’être affinées. La visite se termine par un rituel qui a du bon : une savoureuse dégustation de trois comtés à différentes étapes de maturation.
Cap sur Bois-d’Amont, la capitale de la boîte à fromage, située le long de la frontière suisse. Dans la rue principale, les maisons jurassiennes recouvertes d’un bardage de zinc aux reflets grisés prennent un air industriel. Au bord de l’Orbe, une ancienne scierie au parfum d’épicéa rend hommage à l’ingéniosité et au savoir-faire des artisans boisseliers. Coffrets, cabinets d’horloge, boîtes à cirage, à pharmacie, à fromage (comme celle du célèbre mont d’or). L’épicéa résume à lui seul l’essence du Haut-Jura.