L’homme des bois

Une villégiature écologique en Ardenne

J’ai perdu mon âme en Ardenne lors de mon service militaire en 1987 », sourit Yves de Schaetzen. Les anciens lui ont raconté les hivers rudes, la nature brute et peu clémente aux cultures, mais qu’importe, c’est par cette terre que le publicitaire souhaitait être adopté. Il avait déjà succombé à une cabane sur pilotis qu’il avait entièrement redessinée. En 2007, quand il tombe sur une grange à vendre au beau milieu d’un gigantesque terrain et au bord d’une forêt qui court par-delà la frontière française, il esquisse un projet tourné vers la création, la valorisation du bois et une vie respectueuse de l’environnement.

ESPRIT D’OUVERTURE

De la grange, il fait un espace d’échanges et de travail en y établissant un atelier de menuiserie. Un peu plus loin, il installe des roulottes afin d’accueillir des artisans et des professionnels de divers horizons. « J’aime beaucoup travailler le bois, mais je ne suis pas assez pointu pour tout faire, explique le propriétaire. La grange fonctionne sur le principe des résidences d’artistes ; pour des pièces un peu compliquées ou de grands projets, je peux par exemple faire appel à des compagnons du devoir qui oeuvrent en Belgique. Une autre fois, ce sera peut-être un dessinateur qui viendra donner son avis, ou un menuisier, un scieur. Ça a un côté auberge espagnole qui amène une belle ambiance. »

En 2014, Yves de Schaetzen a fini par créer la marque Manufacture des Ardennes, dédiée aux meubles sur mesure, fabriqués avec les essences de la région ou de la Meuse française. Potager, citerne ou panneaux photovoltaïques pour tout alimenter depuis le scooter qui permet d’aller faire les courses jusqu’aux tronçonneuses : l’amoureux du bois travaille sans relâche à rendre le domaine toujours plus autonome. Parmi les projets en cours : faire revivre dans son four à bois la tradition ardennaise du « pain du pauvre », grâce au meunier du coin et aux futurs fruits des châtaigniers qu’il a plantés.

Toujours animée, la grange est tantôt le siège des réunions, tantôt un lieu de convivialité.

Espaces étroits mais confortables, les roulottes sont parfaitement adaptées au climat ardennais.

Réunion créative. Lieu de villégiature écologique, la grange rachetée par Yves de Schaetzen est avant tout un lieu de rencontre et de savoir-faire, où se croisent compagnons du devoir, designers, dessinateurs et visiteurs d’un week-end. Une sorte d’auberge espagnole à la belge.

Seconde vie. Les pièces qui n’ont pas été créées spécialement pour le lieu ont été récupérées et rénovées, à l’image de cette porte vitrée du xixe. Elle a éclairé le travail d’une usine de papeterie du sud de Bruxelles avant de venir s’intégrer à merveille dans ce nouveau cadre boisé.

En toute autonomie. Le bois alimente les poêles, le chauffebain, les braseros, mais aussi la plancha sur laquelle grillent les légumes du potager; chaque bûche a été découpée grâce à l’énergie solaire. Même les moutons jouent leur part dans la quête d’économie d’énergie en « tondant ».

Coeur à prendre. Douglas du bardage, mélèze, hêtre: tous les vigoureux bois indigènes se marient à merveille. Parmi eux, Yves de Schaetzen apprécie le frêne blanc pour les belles surprises qu’il offre parfois quand il dévoile un coeur « olivier » d’une douce couleur rosée.

Format XXL. Parmi les pièces signatures de la Manufacture des Ardennes figure cette table « Brute », réalisée avec une seule pièce de bois, sans collage. C’est sur l’un de ces modèles uniques que se partagent les repas. Certains meubles sortis de l’atelier mesurent jusqu’à 13 mètres.

Habitat concentré. Venues d’Irlande et de Hongrie, les roulottes rénovées ont conservé leur astucieuse distribution d’origine avec un lit escamotable que l’on écarte la journée pour vivre et manger, et qui dissimule une série de rangements.

Tradition enflammée. Désireux de perpétuer les savoir-faire, Yves de Schaetzen fait appel aux ateliers de métallurgie de la Meuse: «Du côté de Fumay et Revin, il y a beaucoup de forges, dont des ateliers qui travaillent encore l’acier Corten, utilisé pour les braseros.»

Fenêtre sur la nature. «Nos voisins les plus proches, cesont les cerfs, chevreuils, sangliers, chats sauvages, cigognes noires et mouflons. Il y a des kilomètres de forêt jusqu’ à la France en passant par la Semois», indique le propriétaire.