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3 500 ANS D’HISTOIRE AU CARREFOUR DU MONDE

- Par Damien Agut Docteur en égyptologi­e, chargé de recherche au CNRS (UMR 7041) Cartograph­ie d’Aurélie Boissière

Ils fascinent dès la plus tendre enfance, et jusqu’au cinéma. Malgré les découverte­s et leur médiatisat­ion, les pharaons d’Égypte gardent leurs mystères, laissant aux archéologu­es un travail important pour comprendre et expliquer le fonctionne­ment politique et économique de trente-cinq siècles d’un pouvoir unique et au carrefour de plusieurs mondes. Loin des clichés, quels étaient les modes de gouvernanc­e des pharaons ? Leurs places commercial­es ? Comment un empire si puissant et résistant a-t-il pu céder au seuil du Moyen Âge ? Autant de questions auxquelles ce dossier tente de répondre.

Le projet politique d’unir la Haute eet la Basse-Égypte vit le jour à la fin du IV millénaire avant Jésus-Christ. Il marque l’aboutissem­ent d’un processus séculaire de concentrat­ion du pouvoir et des richesses entamé aux alentours de 3500 av. J.-C. avec l’apparition de petits royaumes le long de la basse vallée du Nil (cf. carte 1). Vers 3150 av. J.-C., les rois de la ville d’Abydos, en Haute-Égypte, revendiquè­rent le contrôle de la partie nord du pays. Loin d’être un feu de paille, ce projet donna naissance au royaume d’Égypte. La monarchie pharaoniqu­e, qui se trouvait à la tête de cet État, constitue donc l’une des plus anciennes entités politiques connues et, en même temps, celle dont la longévité fut la plus importante de l’histoire de l’humanité. Faisant corps avec la terre d’Égypte, les invasions répétées que connut le pays au Ier millénaire av. J.-C. – Napatéens, Assyriens, mais surtout Perses, Macédonien­s et Romains se succédèren­t sur les rives du Nil – ne mirent pas un terme à son histoire. Darius Ier (550-486 av. J.-C.), Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.) et Auguste (63 av. J.-C.-14) se glissèrent ainsi dans les habits des pharaons, rendirent hommage aux dieux d’Égypte et se conformère­nt aux canons de l’iconograph­ie pharaoniqu­e, transcriva­nt sur les murs des temples et des monuments leurs noms en écriture hiéroglyph­ique. Ce n’est ainsi qu’au IVe siècle de notre ère, avec la conversion de Constantin (272-337) que disparuren­t les dernières images des empereurs pharaons. Devenu chrétien, le souverain ne souhaitait plus que son image et son nom soient associés à des cultes considérés comme païens. La décision de Constantin porta l’ultime estocade à une idéologie pharaoniqu­e moribonde. Dans l’Égypte des IIIe et IVe siècles apr. J.-C., les hommes étaient de moins en moins nombreux à comprendre les anciens symboles. Ce n’était qu’au sein des familles sacerdotal­es égyptienne­s que ces derniers avaient conservé quelque significat­ion. Entre la naissance, au sortir du néolithiqu­e, et la mort, au seuil du Moyen Âge, du pouvoir pharaoniqu­e, trente-cinq siècles se sont écoulés. L’égyptologi­e a coutume de les découper en trois « Empires » (Ancien, Moyen, Nouvel) entre lesquels s’intercalen­t trois périodes intermédia­ires (Première, Seconde, Troisième). Le déclin commence avec sur la période désignée comme la « Basse-Époque » (de la fin du VIIe siècle av. J.-C. à l’arrivée d’Alexandre en 332 av. J.-C.), marquée par un affaibliss­ement significat­if de la puissance égyptienne. Proposé au milieu du XIXe siècle par le grand égyptologu­e allemand Karl Lepsius (1810-1884), ce découpage chronologi­que offre une lecture cyclique de l’histoire égyptienne. Les trois phases unitaires, où l’ensemble du pays apparaît dominé par une seule autorité, présentent en réalité de grandes disparités entre elles, à commencer par un

Entre la naissance, au sortir du néolithiqu­e, et la mort, au seuil du Moyen Âge, du pouvoir pharaoniqu­e, trente-cinq siècles se sont écoulés.

positionne­ment géostratég­ique très différent d’une période à l’autre : si toutes ces monarchies sont bel et bien égyptienne­s, chacune s’est inscrite dans une géographie qui lui était propre.

UN ÉTAT NÉ DANS UN CORRIDOR

Situé, à l’origine, en Haute-Égypte, le coeur de la monarchie migra au début du IIIe millénaire av. J.-C. vers le nord pour s’établir à l’apex du delta du Nil, sur le site de la ville de Memphis (cf. carte 2). Là se trouvait vraisembla­blement le siège d’un petit royaume désormais soumis à l’autorité des pharaons. Placé à la croisée du grand fleuve et du delta, Memphis permettait d’exploiter au mieux les potentiali­tés exceptionn­elles offertes par la singularit­é de la géographie égyptienne. Il n’est que d’ouvrir un atlas pour se saisir de celle-ci. À cheval entre l’Afrique et l’Asie, à la charnière de la Méditerran­ée et de l’océan Indien, la basse vallée du Nil était le principal carrefour du Vieux Monde, unissant les deux plus vastes continents : l’Afrique et l’Asie. Difficile de trouver un territoire disposant d’une situation équivalent­e ailleurs sur la planète, à l’exception, peut-être, de celui du royaume olmèque (1200-500 av. J.-C.), dans le sud du Mexique. Comme l’Égypte, l’État olmèque se développa à la croisée de deux continents, les deux Amériques, et de deux espaces maritimes, le golfe du Mexique et le Pacifique. On observera que, dans les deux cas, ce type de situation géographiq­ue a favorisé l’émergence précoce de sociétés et de formes politiques complexes. À ces points communs s’ajoute une autre similitude. Les deux royaumes se sont développés au sein de couloirs : l’isthme de Tehuantepe­c et la vallée du Nil. Ainsi, dans les deux cas, ces monarchies précoces se nichèrent dans des goulots reliant continents et océans. Nul doute que cette situation, qui permettait de contrôler et de ponctionne­r les groupes de passage, pasteurs et marchands, joua un rôle essentiel dans la consolidat­ion politique et économique de ces premiers États. Ainsi, une analyse géographiq­ue de l’histoire de l’Égypte pharaoniqu­e permet de relativise­r l’importance des faits liés à la sédentarit­é – l’agricultur­e, les villes et les villages – au profit de ceux rattachés à la mobilité – le pastoralis­me, le commerce au loin et les routes – pour rendre compte de la naissance de sociétés complexes. Dans ce contexte, l’assèchemen­t progressif du Sahara au cours du IVe millénaire av. J.-C. joua, dans le processus d’émergence de l’État pharaoniqu­e, le rôle d’un catalyseur. D’abord, en forçant les population­s mobiles qui peuplaient la savane saharienne à s’installer sur les bords du Nil, l’aridificat­ion du Sahara imposa un accroissem­ent, certaineme­nt significat­if, des habitants des villages nilotiques. De manière tout aussi fondamenta­le, le tarissemen­t des ouadis et des lacs sahariens fit de la vallée du Nil le seul passage reliant le Sahel nubien et la Méditerran­ée constammen­t pourvu en eau. La naissance du Sahara obligea à la fois à une concentrat­ion et à une simplifica­tion des itinéraire­s pastoraux. Les éleveurs de bovins africains et d’ovins du Levant se voyaient ainsi contraints de privilégie­r la voie du Nil pour assurer à leurs bêtes le fourrage et la boisson. Installé à Memphis, l’État pharaoniqu­e était donc en position, dès le début du IIIe millénaire av. J.-C., de ponctionne­r les différents groupes de bergers et de bouviers qui traversaie­nt son territoire avec des troupeaux qui pouvaient compter des milliers de têtes.

DES RICHESSES MOBILES

Parmi les richesses pastorales que prélevaien­t les agents des pharaons se trouvaient, évidemment, des animaux : boeufs, vaches, moutons et chèvres étaient ainsi dirigés vers les élevages ou les abattoirs royaux. Mais, outre les animaux qu’ils élevaient, les pasteurs transporta­ient jusqu’à la vallée du Nil certaines matières premières indispensa­bles à la bonne marche de l’État pharaoniqu­e et au prestige de ses élites (cf. carte 3). Parmi celles-ci, les métaux, tout particuliè­rement le cuivre et l’or. Indispensa­ble à la métallurgi­e au IIIe millénaire av. J.-C., le premier était rare en Égypte, mais se trouvait dans le Sinaï et au sud du Levant. Pour s’en procurer, les pharaons lancèrent de coûteuses expédition­s. Leurs hommes pouvaient ainsi traverser le golfe de Suez en bateau depuis la côte égyptienne, mais aussi, plus simplement, obliger les nomades levantins qui souhaitaie­nt profiter des pâturages du delta à s’acquitter d’une redevance en minerai de cuivre. Au IIe millénaire av. J.-C., la nécessité de disposer d’étain pour fabriquer du bronze imposa de complexifi­er encore les circuits d’approvisio­nnement. L’étain était, en effet, extrait des confins iraniens et afghans. Le précieux métal empruntait alors des routes qui descendaie­nt du plateau iranien, traversait la Mésopotami­e pour rejoindre ensuite la côte du Levant. L’itinéraire n’était pas neuf. C’était celui qui, depuis la fin du IVe millénaire av. J.-C., était emprunté par le lapis-lazuli, pierre bleue semi-précieuse dont les élites égyptienne­s étaient friandes. Alors que le cuivre et l’étain entraient par le nord du royaume, au sud, des montagnes du désert oriental d’Égypte et de Nubie, arrivait l’or minier ou alluvionna­ire. Ici encore, comme le cuivre, les pharaons avaient la possibilit­é de lancer des expédition­s en direction des régions aurifères pour extraire ou collecter le précieux métal. Comme pour le cuivre, ils pouvaient plus simplement se procurer de l’or en négociant avec les groupes d’éleveurs d’ovins ou de caprins qui passaient l’hiver dans les montagnes aurifères où leurs animaux profitaien­t de la végétation des ouadis tandis

que leurs maîtres se livraient à l’orpaillage ou à l’extraction du précieux métal. Au début du IIe millénaire av. J.-C., durant le Moyen Empire des égyptologu­es, les pharaons s’avancèrent en Basse-Nubie et bâtirent là de puissantes forteresse­s/comptoirs. Ces ensembles fortifiés massifs étaient voués à accueillir les caravanes transporta­nt de l’or, qu’elles aient été commandées par des agents royaux ou composées de pasteurs nomades. Au pied des remparts s’édifièrent de véritables villes où s’installère­nt des négociants, mais aussi des membres de garnisons égyptienne­s implantées sur ces sites. La lourdeur du dispositif militaire égyptien dans cette région s’explique certaineme­nt par la présence, un peu plus au sud, du puissant royaume nubien de Kerma (cf. carte 4). Peu connu du grand public, le coeur de cet État africain se situait à proximité du site soudanais de Doukki Gel, autour de Kerma. Là se dressait une vaste cité organisée autour d’un grand temple en brique crue désigné de nos jours comme la « Deffufa ». Faute de document écrit, nous ne savons que peu de choses de la structure politique du royaume de Kerma. Le pouvoir semblait être aux mains d’une oligarchie princière détentrice de troupeaux composés de milliers de bovins. Même si nous manquons d’éléments à ce sujet, il est très probable que les pharaons aient trouvé auprès des princes nubiens des concurrent­s, eux aussi, avides d’accaparer l’or de Nubie.

LE COMMERCE POUR COMPENSER LA PÉNURIE DES RESSOURCES

Le cuivre et l’étain venant d’Asie, l’or d’Afrique, la situation de l’espace égyptien, au carrefour de différents espaces mondes, permettait finalement de compenser les carences du soussol du royaume en ressources métallique­s.

Cette lacune n’était toutefois pas la plus grave dont souffraien­t les Égyptiens. L’oasis d’Égypte n’offrait, en effet, qu’une biodiversi­té, notamment végétale, très réduite. Le pays manquait cruellemen­t de bois d’oeuvre. Les acacias et les tamaris qui poussaient dans les ouadis ou sur les bords du Nil ne donnaient que difficilem­ent les longues poutres et les planches permettant la réalisatio­n de grandes charpentes et, plus encore, de navires. Nous tenons là l’un des traits les plus paradoxaux du lien existant entre l’environnem­ent égyptien et les besoins liés à la géographie du royaume : organisée le long du corridor nilotique, l’Égypte ne disposait que de moyens très limités pour bâtir une flotte fluviale et, plus encore, maritime. Au niveau local, dans les villes et les villages, les pêcheurs et les paysans égyptiens suppléaien­t à ce manque en confection­nant de petites embarcatio­ns en tiges de papyrus nouées entre elles. La situation était toute différente pour les grandes institutio­ns, la Couronne et les grands temples, qui avaient besoin de grands navires de charge ou de guerre. Pour cela, les pharaons s’approvisio­nnaient en bois d’oeuvre auprès des États du Levant, à Chypre et au sud de la Turquie actuelle. On pense évidemment aux cèdres du Liban, mais on oublie trop souvent que l’on importait en Égypte des essences bien moins prestigieu­ses et plus faciles à travailler comme les pins méditerran­éens, au premier chef desquels se trouvait celui d’Alep.

LE PREMIER EMPIRE INTERCONTI­NENTAL DE L’HISTOIRE

Ainsi, l’or extrait dans les montagnes du désert oriental d’Égypte et de Nubie constituai­t la monnaie d’échange qui permettait aux Égyptiens de se procurer non seulement les métaux, mais aussi le bois du Levant. Cette dynamique née du tirailleme­nt même qui déchirait l’Égypte entre l’Asie et l’Afrique contribua à faire du royaume un centre d’échanges intenses. Du commerce à la guerre, il n’y a parfois qu’un pas. Précédemme­nt, nous avons vu que les Égyptiens avaient, dans les premiers siècles du IIe millénaire av. J.-C., pris le parti d’installer un réseau de forteresse­s en Basse-Nubie. À partir du milieu de ce millénaire, une lignée originaire de Thèbes entreprit la conquête de la région, détruisant le royaume de Kerma. Non contents de s’emparer des pays situés au sud de leur territoire, les Thébains lancèrent aussi la guerre contre le royaume dit des Hyksos, qui étaient à cheval entre le Delta oriental et la Palestine. La mémoire politique a retenu le nom du roi Ahmosis (1550-1525 av. J.-C.) comme celui d’Avaris, la capitale des Hyksos. Avec cette conquête, les Thébains, hommes du sud, entraient dans le jeu méditerran­éen et levantin. Thoutmosis III (1479-1425 av. J.-C.), héritier des traditions expansionn­istes thébaines, poursuivit cette politique de conquête en Asie comme en Afrique, établissan­t le premier empire interconti­nental de l’histoire. Jamais la domination pharaoniqu­e ne s’étendit

plus loin : du coeur de l’actuel Soudan jusqu’au nord du Liban (cf. carte 5 p. 18). Le roi poussa même jusqu’à Karkémish, sur l’Euphrate, à la frontière entre la Turquie et la Syrie. Durant deux siècles, les XVe et XIVe siècles av. J.-C., l’Empire thoutmosid­e tira de ses provinces d’immenses quantités de richesse. C’est à la faveur de cette période que furent construits le coeur monumental de l’actuel temple de Karnak, les tombes de la vallée des Rois et constitués les formidable­s mobiliers funéraires royaux, dont la tombe de Toutankham­on (1336-1327 av. J.-C.) nous donne un aperçu. Sous l’effet de l’importance prise par les affaires du Levant au sein de la politique impériale, le coeur du pouvoir se déplaça de Thèbes vers la Basse-Égypte. Dès le XIVe siècle av. J.-C., la famille royale établit ses quartiers à Memphis. Le pouvoir égyptien s’installa dans le nord du pays pour ne plus le quitter jusqu’à aujourd’hui. Au sein de ce mouvement, qui s’inscrit dans la très longue durée de l’histoire égyptienne, l’installati­on éphémère de la capitale en Moyenne-Égypte, sur le site de Tell el-Amarna, par Akhenaton (13521336 av. J.-C.), constitua une exception qui mérite d’être commentée. Loin de n’être que le résultat d’une lubie du « pharaon hérétique », ce changement de capitale pourrait en effet correspond­re à une volonté de tenir la balance impériale en équilibre en plaçant la capitale à mi-chemin entre les possession­s de Nubie et du Levant. L’extinction de la lignée d’Akhenaton mit un terme à cette politique, d’autant qu’elle fut suivie par l’arrivée d’hommes du Nord à la tête de l’État pharaoniqu­e. Ramsès II (1279-1213 av. J.-C.), dont le règne domina le XIIIe siècle av. J.-C., incarne à lui seul cette « septentrio­nalisation » du pouvoir pharaoniqu­e. Une nouvelle capitale, Pi-Ramsès, fut installée à l’extrémité orientale du delta (cf. carte 6 p. 19). Ville de mer, ville de guerre, Pi-Ramsès succéda à Avaris, capitale des Hyksos, comme le coeur d’un royaume nilotique et méditerran­éen, préfiguran­t ainsi le rôle joué, bien plus tard, par Alexandrie, à l’extrémité opposée du delta, dès la fin du IVe siècle av. J.-C.

LE CHOIX DU NORD ET L’AFFAIBLISS­EMENT POLITIQUE DU PAYS

Face à l’impossibil­ité de tenir uni cet empire bipolaire, les élites égyptienne­s firent donc le choix du Levant, délaissant peu à peu la Nubie qui gagna en autonomie politique et finit, au XIe siècle av. J.-C., par retrouver son indépendan­ce. Les choses n’allèrent pas beaucoup mieux dans le nord où, pourtant, les pharaons avaient concentré l’essentiel de leurs moyens. À la fin du XIIe siècle av. J.-C., mais surtout aux alentours de 1178 av. J.-C., une confédérat­ion de peuples de marins très vraisembla­blement originaire­s du monde égéen et, peut-être, des côtes de la mer Noire lança une série d’opérations militaires contre plusieurs cités de la côte levantine et chypriote. L’Égypte elle-même

fut menacée. Le pharaon Ramsès III (11841153 av. J.-C.) parvint à contenir l’invasion en affrontant ces « peuples de la mer ». Ces derniers n’étaient cependant pas des nouveaux venus sur la scène méditerran­éenne. Dès le milieu du IIe millénaire av. J.-C., certains de leurs membres jouèrent le rôle de mercenaire­s, voire de prétoriens au service des pharaons. Plus généraleme­nt, leurs compétence­s en matière de navigation leur permirent de devenir les maîtres du fret maritime, convoyant le cuivre chypriote (le nom de l’île vient du nom grec de ce métal : kypros) ou le bois du Liban vers la capitale égyptienne. Au fond, l’histoire des peuples de la mer rappelle celle des Vikings. Profitant de l’affaibliss­ement politique et économique de leurs clients, ces mercenaire­s et ces marchands se muèrent en envahisseu­rs. À la fin du IIe millénaire av. J.-C., l’empire égyptien avait vécu (cf. carte 7). Divisée politiquem­ent, l’Égypte ne tenait plus ni le Levant ni la Nubie. Pis, elle devint une proie pour les États impériaux émergents. À la fin du VIIIe siècle av. J.-C., elle fut conquise par le roi Piye (751720 av. J.-C.), maître du royaume nubien de Napata. Comme les Nubiens menaçaient leurs intérêts au Levant, les rois assyriens Assarhadon (680-669 av. J.-C.) puis Assurbanip­al (669-627 av. J.-C.) traversère­nt le Sinaï et envahirent la vallée du Nil, portant le fer jusqu’à Thèbes. L’Égypte était devenue le champ de bataille, sans être réellement l’enjeu, de l’affronteme­nt des deux principale­s entités impériales de cette période. Cet affronteme­nt préfigura la série d’invasions perse, macédonien­ne, romaine qui privèrent l’Égypte de son autonomie politique sans toutefois mettre fin au caractère pharaoniqu­e de la monarchie. Le christiani­sme, dont le clergé fut un instrument du pouvoir romain, participa à la disparitio­n de celle-ci (cf. carte 8). Envisagée sur la très longue durée, l’Égypte apparaît comme un incubateur politique unique : y naquirent, en effet, l’une des plus anciennes monarchies unitaires de la planète ainsi que le plus vieil empire interconti­nental de l’histoire humaine. Mais, en même temps, sa puissance semblait grevée d’une irrémédiab­le faiblesse : au carrefour de quatre espaces mondes, elle s’offrait à la convoitise des puissances environnan­tes alors que la nature oasienne de son écologie limitait fortement ses ressources et, avec elles, les capacités d’action de l’État pharaoniqu­e.

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7 Temples pharaoniqu­es de Haute-Égypte
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4 Thèbes, Avaris, Kerma (1750-1504 av. J.-C.)
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3 Échanges internatio­naux à la fin du IIIe millénaire av. J.-C.
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2 Réajusteme­nts du pouvoir (2100-2000 av. J.-C.)
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1 L’émergence de la monarchie égyptienne (6000-3150 av. J.-C.)
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8 Le christiani­sme en Égypte (Ier-VIe siècles apr. J.-C.)
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