Comment être hongrois ?
Depuis son arrivée au poste de Premier ministre de Hongrie en 2010, Viktor Orban, partisan d’un État fort, a multiplié les politiques controversées, comme le renforcement de ses pouvoirs par la Constitution ou la construction d’un mur antimigrants à la frontière avec la Roumanie. Une situation qui inquiète ses partenaires européens et qui favorise la montée de l’extrême droite dans le pays.
En avril 2017, le gouvernement hongrois a fait voter une loi visant à contrôler les diplômes fournis par les établissements étrangers. En ligne de mire : l’université d’Europe centrale financée par le milliardaire américain d’origine hongroise George Soros. Ce dernier, connu pour son militantisme en faveur de la démocratie et des Droits de l’homme dans les anciens pays communistes, est soupçonné de former des élites pro-européennes hostiles au pouvoir en place. Fort de sa victoire aux élections législatives de 2010 (52,73% des suffrages et 263 députés sur 386), Viktor Orban disposait de la majorité des deux tiers du Parlement – une situation inédite – pour mettre en oeuvre une politique populiste. Dès son arrivée au pouvoir, il a exacerbé le sentiment nationaliste d’une partie de la population en accordant la nationalité aux quelque 3,5 millions de magyarophones vivant dans les pays limitrophes, en particulier en Roumanie (1,5 million), en Slovaquie (569 000) et en Serbie (355000). Or cette décision a remis en cause, sur le plan symbolique, le traité de Trianon du 4 juin 1920 qui amputa la Hongrie de près de 70% de son territoire et de 30% de sa population en guise de réparation à la fin de la Première Guerre mondiale (cf. cartes). Ainsi, le Premier ministre a fait le choix de s’inscrire dans l’héritage de la Grande Hongrie, une histoire politique qui propose notamment de repenser l’identité nationale selon des principes culturels et linguistiques plutôt que juridiques ou administratifs. Ce positionnement est celui de la droite radicale, qui inspire encore Viktor Orban : Code pénal plus sévère, rhétorique contre les banques et les élites, discours antieuropéen. En 2011, le gouvernement a glissé vers l’autoritarisme. Grâce à sa majorité, le Premier ministre est parvenu à faire adopter une nouvelle Constitution qui prévoit des réformes de fond dans plusieurs institutions, lesquelles renforcent l’exécutif. Une tournure que désapprouve une partie de la population, même si le parti au pouvoir, le Fidezs, est réélu aux élections législatives de 2014 avec 44,87 % des voix, ayant toujours la majorité au sein de l’Assemblée (131 députés sur 199 après réforme). Dans le reste de l’Europe, on s’inquiète de cette situation, d’autant que l’Union européenne et la Hongrie s’opposent sur la question des migrants. Lors de la crise survenue en 2015, Budapest s’est présenté comme le principal opposant à l’initiative des quotas prônée par Bruxelles. Viktor Orban a accompagné ses paroles d’un acte fort : la construction d’un mur à sa frontière avec la Roumanie. Toutefois, ce positionnement nationaliste et conservateur du Premier ministre ne l’empêche pas d’être menacé dans les urnes par l’extrême droite de Jobbik. Depuis 2013 et la stratégie de dédiabolisation menée par le jeune député Gabor Vona, le mouvement, qui a remporté 20,2% des suffrages aux législatives de 2014, grignote des intentions de vote au souverainisme de Viktor Orban.