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Algérie : le régime en quête de solutions

- T. Serres

Le 4 mai 2017, les élections législativ­es ont reconduit les deux « partis du pouvoir » en Algérie, le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblem­ent national démocratiq­ue (RND). Mais le fort taux d’abstention (65 %) révèle l’exaspérati­on d’une population souffrant de la crise économique et de l’incertitud­e politique générée par l’absence du président, Abdelaziz Bouteflika (depuis 1999).

Tous les cinq ans, les législativ­es algérienne­s accouchent d’un résultat convenu figurant la distributi­on des forces politiques, dans un contexte marqué par l’interventi­on de l’administra­tion et l’abstention. Dans le même temps, la campagne demeure un moment de déstabilis­ation pour la plupart des partis. Le premier problème auquel ces derniers sont confrontés est la constituti­on des listes de candidats. La désignatio­n des têtes de liste entraîne des luttes internes qui affaibliss­ent les mouvements du pouvoir ou d’opposition. Les positions sont l’enjeu de tractation­s d’appareil, mais aussi de transactio­ns financière­s ou de formes de népotisme qui contribuen­t à décrédibil­iser le processus. Les partis d’opposition sont également confrontés au dilemme participat­ion/boycott. Ce choix a provoqué la fin de la Coordinati­on nationale pour les libertés et la transition démocratiq­ues. Tandis que le Mouvement pour la société et la paix (islamo-conservate­ur) a décidé de participer, ses alliés de Jil Jadid et de Talaie el-Hourriyet ont opté pour le boycott.

LE CASSE-TÊTE DES LÉGISLATIV­ES

Les élections sont également problémati­ques pour le régime, notamment parce qu’elles mettent les « partis du pouvoir », le FLN et le RND, en concurrenc­e, obtenant respective­ment 164 (57 en moins) et 100 sièges (29 de plus) sur 462. Les figures des deux formations échangent ainsi des critiques publiques, ce qui ajoute à la défiance populaire. Le régime est de surcroît confronté à une abstention récurrente. Afin d’amener un maximum de citoyens aux urnes, des religieux musulmans sont allés jusqu’à présenter le vote comme un devoir islamique. Mais les législativ­es ont débouché sur un taux de participat­ion en baisse (35 % contre 43% en 2012) et un relatif statu quo du point de vue de la distributi­on des sièges. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal (depuis avril 2014), avait lancé des consultati­ons afin de reconduire la coalition centrée sur les deux partis du pouvoir et soutenue par des mouvements d’appoint (islamistes, berbériste­s). Sa tentative de rallier le MSP dénote un effort pour développer l’assise islamo-conservatr­ice du gouverneme­nt, mais le 24 mai 2017, il a été remplacé par Abdelmadji­d Tebboune. Sur le front économique se joue la bataille la plus urgente (cf. document 1). Compte tenu de la hausse de l’endettemen­t public, le vent de la réforme se fait sentir, notamment sous la pression des institutio­ns financière­s internatio­nales et du patronat algérien. Le gouverneme­nt est, pour sa part, tenu de maintenir une redistribu­tion a minima pour ne pas attiser davantage le mécontente­ment populaire. Dans ce contexte, l’ancien ministre de l’Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouare­b (2014-2017), était en première ligne. Il multipliai­t les déclaratio­ns et les déplacemen­ts pour relancer la production et attirer les investisse­ments étrangers, avec une approche industrial­iste qui n’est pas sans rappeler les années 1970. La nouvelle loi sur l’investisse­ment étranger, votée en 2016, devait ainsi attirer les entreprise­s étrangères grâce à un certain nombre d’avantages dénoncés par les opposition­s de gauche. Les effets de cette stratégie gouverneme­ntale tardent cependant à se faire sentir ; les débats sur la réforme de la fiscalité algérienne font rage et l’influence du Fonds monétaire internatio­nal (FMI) se manifeste dans la conceptual­isation du budget. Cela se traduit par une augmentati­on des taxes et

des coupes dans les dépenses sociales et culturelle­s, pour un budget 2017 qui devrait réduire le déficit de moitié (pour le situer aux environs de 8% du PIB). Ce virage de l’austérité nourrit la contestati­on sociale.

CRISE GOUVERNEME­NTALE ET ENJEUX RÉGIONAUX

Malgré ces incertitud­es sur le plan domestique, l’Algérie reste active sur le front diplomatiq­ue, notamment en se présentant en exportatri­ce de stabilité dans une région troublée (cf. carte 2). Après avoir pris la tête d’Afripol en mai 2017, le chef de la police algérienne, Abdelghani Hamel, s’est rendu à Lyon, au siège d’Interpol, afin de discuter des moyens de renforcer le partenaria­t entre les deux entités. Alger s’investit dans le processus de paix au Nord-Mali, mais constate avec inquiétude la persistanc­e de tensions, et cherche à maintenir une position d’équilibre entre les forces en Libye, tout en affichant sa déterminat­ion à empêcher toute propagatio­n de la violence à l’intérieur de ses frontières. En sollicitan­t aussi bien les Russes que les voisins tunisiens et égyptiens ou l’ONU, la diplomatie algérienne s’efforce de rallier les différents acteurs à son multilatér­alisme sécuritair­e. Le régime est confronté à une série de problèmes politiques (retrouver une légitimité et une représenta­tivité), économique­s (répondre à la chute des recettes sans invalider le pacte redistribu­tif hérité de la révolution de 1962) et diplomatiq­ues (au Mali et en Libye). Pour y répondre, le gouverneme­nt a été profondéme­nt modifié le 24 mai 2017, avec notamment la destitutio­n d’Abdeslam Bouchouare­b et du ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, révélant que la présidence a acté l’absence de résultats dans ces domaines clés. Mais la dénonciati­on de l’austérité et de la corruption demeure le moteur d’un mécontente­ment citoyen auquel les politiques gouverneme­ntales et les arrangemen­ts partisans ne semblent pas pouvoir apporter de réponse. L’exécutif Tebboune aura-t-il les moyens de mieux faire ?

 ??  ?? 2 L’Algérie dans son environnem­ent régional Océan Atlantique Carto no 42, 2017 © Areion/Capri Sources : Rédaction de Carto, 2017 ; Ministère de la Défense, 2017 ; « L’Algérie, puissance régionale », in Questions Internatio­nales no 81, septembre-octobre...
2 L’Algérie dans son environnem­ent régional Océan Atlantique Carto no 42, 2017 © Areion/Capri Sources : Rédaction de Carto, 2017 ; Ministère de la Défense, 2017 ; « L’Algérie, puissance régionale », in Questions Internatio­nales no 81, septembre-octobre...

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