« Nollywood », le géant du cinéma africain
Alors que le Nigeria est en récession pour la première fois depuis vingtcinq ans et que l’inflation flambe, il est un secteur qui ne s’est jamais aussi bien porté : le cinéma. Deuxième industrie cinématographique au monde, ce sont quelque 1 000 films par an qui sont produits dans le pays africain, pour un public de 150 millions de spectateurs. L’industrie du film nigériane, « Nollywood », produit autour de 50 films par semaine, plus que Hollywood (États-Unis) avec ses 718 productions en 2016, mais moins que « Bollywood » (Inde) avec plus de 3 000 longs-métrages cette même année. Derrière ces chiffres se cache néanmoins une grande diversité de situations, de revenus et de modes de production. Bien que le marché du film nigérian génère chaque année 590 millions de dollars et représente 1,4% du PIB du pays, il se situe loin derrière les géants américain et indien notamment (respectivement 10,9 milliards et 1,5 milliard de dollars de revenus annuels moyens). Jusqu’à il y a peu, les films produits au Nigeria étaient quasi exclusivement destinés à l’Afrique et à ses diasporas à travers le monde. Ils se caractérisaient par leur petit budget et des scénarios mettant en exergue les divers contextes sociopolitiques et culturels des pays du continent. Alors que dans les grands centres de production cinématographique mondiaux, les films sont tournés en 35 millimètres et sortent en salle, au Nigeria, le secteur repose sur la vidéo et la distribution de copies VHS ou DVD. Cela ne va d’ailleurs pas sans poser problème : pour chaque copie officielle distribuée, neuf piratées seraient vendues. Dans les années 1990, les premiers films nigérians se sont fait une place grâce à la technologie numérique et aux petits budgets qu’elle permettait. Le cinéma nigérian a prospéré sur cette spécificité. En moyenne, jusqu’au début des années 2010, un film coûtait entre 25000 et 70000 dollars. Ces réalisations étaient tournées rapidement (un mois en moyenne) et devenaient rentables au bout de deux à trois semaines d’exploitation. Il se vendait autour de 20 000 copies DVD des films distribués, lorsque les plus gros succès atteignaient les 200 000 unités commercialisées. La rentabilité des films s’expliquait également par le faible salaire des acteurs. Dans un pays où le revenu mensuel moyen par habitant s’élève à 119 dollars, même les plus populaires d’entre eux ne sont payés que 1 000 à 3 000 dollars par film. Rares sont ceux qui dépassent ces sommes. « Nollywood » se métamorphose, misant sur des productions plus importantes dont le succès commence à franchir les frontières du continent. Le 16 décembre 2016 sortait The Wedding Party, de Kemi Adetiba : le film à 189 000 dollars de budget a généré 1,2 million de recettes en deux mois, deux fois plus que le précédent record détenu par A Trip to Jamaica, de Robert Peters, sorti la même année et qui avait récolté 564 000 dollars. Alors qu’il n’est pas rare de voir des productions dont le budget dépasse les 200 000 dollars, The CEO, de Kunle Afolayan, sorti en mai 2016, reste le film le plus cher de l’histoire du cinéma nigérian avec plus d’un million de dollars de budget. Ces oeuvres trouvent un écho grandissant dans les festivals internationaux. Au Nigeria, « Nollywood » est le deuxième plus gros employeur après l’agriculture.