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La musique, une industrie en pleine révolution

- Rouiaï

Le chiffre d’affaires de l’industrie musicale a augmenté de 5,9 % en 2016 par rapport à 2015 Il s’agit de la hausse la plus importante d’une année à l’autre jamais enregistré­e depuis 1997. Alors qu’en quinze ans, ce chiffre avait régressé de 40 %, cette deuxième année d’augmentati­on consécutiv­e laisse entrevoir une sortie de crise pour un secteur fortement fragilisé par le télécharge­ment illégal.

La hausse globale des recettes de l’industrie musicale est dynamisée par l’augmentati­on de 60,4 % du chiffre d’affaires lié au streaming (cf. documents pages centrales). Dans le monde, en 2016, 112 millions d’utilisateu­rs ont souscrit à un abonnement payant en ligne pour écouter, sans publicité, un nombre illimité de titres. À ce jeu, c’est Spotify qui sort grand vainqueur de la course dans laquelle se sont lancés les géants du secteur (Google Play Music, Apple Music, Deezer ou Tencent Music Entertainm­ent en Chine).

LE SUCCÈS DU STREAMING

Depuis 2015, les revenus liés aux ventes physiques sont plus faibles que ceux issus du numérique (5,4 milliards contre 7,8 milliards de dollars en 2016). Ainsi le streaming est-il établi comme le format le plus important au sein de

Sources : IFPI, Global Music Report 2017: État des lieux de la musique enregistré­e dans le monde, avril 2017 ; The Recording Industry Associatio­n of America, 2017

Carto no 42, 2017 © Areion/Capri 1. Sur un panel de 84 festivals les plus représenta­tifs

Sources : CNV, Les festivals de musiques actuelles en 2016, avril 2017 ; CNV, Irma et Sacem, La carte des festivals de France en 2014, avril 2015 ; Cartocrise - Culture française tu te meurs, Carte interactiv­e réalisée par Emeline Jersol, consultée le 7 mai 2015

l’industrie de la musique. Cette révolution des pratiques et des usages, où l’utilisateu­r n’est plus propriétai­re d’un morceau, mais détient l’accès permanent à un flux, connaît depuis 2012 un vrai boom, le nombre d’utilisateu­rs progressan­t chaque année en moyenne de près de 50%. Cette tendance s’observe partout dans le monde : en Amérique du Nord, le chiffre d’affaires du streaming a augmenté de 84,1% en 2016, contre 73 % en Europe, 57 % en Amérique latine et 45,6 % en Asie et en Australie. Les distribute­urs songent désormais à développer leur offre dans des territoire­s encore peu ciblés, mais au fort potentiel, comme la Chine, l’Inde, la Russie et plusieurs États africains. Dans ces pays peuplés et où la moyenne d’âge est moins élevée qu’en Europe et en Amérique, l’essor du marché du streaming se fait parallèlem­ent à l’augmentati­on de l’offre de smartphone­s bon marché. Par exemple, le géant chinois Huawei se développe rapidement, en Chine bien entendu, mais aussi en Inde et en Afrique, où il renforce les partenaria­ts locaux et multiplie les boutiques. La croissance du parc de mobiles est essentiell­e à celle des services de streaming. Depuis février 2016, la start-up française Deezer a ainsi mis en place un partenaria­t avec Huawei.

LE RETOUR DES 33 ET 45 TOURS

En France, ce n’est que depuis 2016 que le chiffre d’affaires de l’industrie musicale, après treize ans de baisse ininterrom­pue, a connu une évolution positive (+ 5,4 %). En 2002, année forte, le marché s’élevait à 1,3 milliard d’euros. L’arrivée des sites de télécharge­ments illégaux et du peer-to-peer, système de partage entre consommate­urs, a entraîné une désaffecti­on du public pour les supports enregistré­s. En 2015, le chiffre d’affaires de l’industrie musicale française s’élevait à 426 millions d’euros, soit une baisse de 67 % en treize ans. C’est la forte progressio­n des revenus du streaming qui explique le retour d’une dynamique vertueuse (+ 37 % en 2016). Mais si le pays compte 3,9 millions d’abonnés à un service de ce genre, les Français restent attachés aux ventes physiques et, contrairem­ent à la dynamique mondiale, ces dernières demeurent majoritair­es avec 59 % des revenus en 2016. Avec 1,7 million d’exemplaire­s vendus, on assiste à une progressio­n du vinyle en volume de 72 % en 2016 par rapport à 2015. Il s’agit de la cinquième année de hausse consécutiv­e pour ce format dans l’Hexagone, profitant notamment aux presseurs de disques. L’année 2016 signe aussi la confirmati­on de la vitalité des artistes francophon­es, qui occupent 18 des 20 plus gros succès répertorié­s sur le territoire. Néanmoins, ceux parvenant à s’exporter ne le font généraleme­nt pas dans leur langue natale. Selon la liste établie de janvier à septembre 2016 par Shazam, applicatio­n de reconnaiss­ance musicale, les plus demandés sont David Guetta et Kungs, deux représenta­nts de l’électro française anglophone. Le premier détient le record de l’album le plus exporté en 2016 (2,09 millions d’unités de Listen ont été vendues) et le second celui du morceau le plus écouté en streaming (This Girl, 656,3 millions) (2). C’est aussi le cas de Justice et Daft Punk, dont la popularité internatio­nale est majeure. La langue française a bien du mal à se frayer un chemin au sommet des charts internatio­naux : l’artiste Christine and the Queens a construit son succès internatio­nal sur l’adaptation anglophone de Chaleur Humaine. Si l’industrie musicale connaît une embellie, les artistes et producteur­s redoutent un accroissem­ent du value gap, ce transfert de valeur inéquitabl­e entre les plates-formes de streaming et les ayants droit. Jamais autant de musique n’a été consommée dans le monde qu’aujourd’hui. Rien qu’aux États-Unis, 317 milliards de chansons ont été écoutées via des plates-formes de streaming en 2015. Mais une anomalie freine le développem­ent du marché et de la rémunérati­on des artistes. En 2016, les 212 millions d’utilisateu­rs de services de streaming audio (payant ou gratuit avec publicité) ont généré 3,9 milliards de dollars de recettes pour l’industrie musicale. La même année, les 900 millions d’utilisateu­rs de plates-formes vidéo ont généré 553 millions de dollars. Les plus populaires sont paradoxale­ment celles qui rapportent le moins aux artistes et aux producteur­s. En se réfugiant derrière leur statut de simples hébergeurs, faute de cadre juridique clair, elles se dispensent de négocier les droits. N.

NOTES

(1) IFPI, Global Music Report 2017 : État des lieux de la musique enregistré­e dans le monde, avril 2017. (2) Bureau export, Ils ont rythmé l’année 2016 à l’export, juin 2017.

 ??  ?? 1 La musique dans l’héritage culturel immatériel de l’humanité Sources : D’après une carte de Martin Grandjean, « Mapping UNESCO Intangible Cultural Heritage », 2014 ; Rédaction de Carto, juin 2017 Carto n 42, 2017 © Areion/Capri
1 La musique dans l’héritage culturel immatériel de l’humanité Sources : D’après une carte de Martin Grandjean, « Mapping UNESCO Intangible Cultural Heritage », 2014 ; Rédaction de Carto, juin 2017 Carto n 42, 2017 © Areion/Capri

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