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Schengen, un système possible en Afrique ?

- T. chaBRE

L’Union africaine (UA) propose de mettre fin aux visas sur le continent. Ce vieux rêve panafricai­n peut contribuer à stimuler des échanges interconti­nentaux peu développés, mais il doit faire face à de fortes difficulté­s pratiques et aux résistance­s de certains États.

Un passeport unique et la suppressio­n des visas de courte durée entre les 55 pays membres : voilà l’une des plus ambitieuse­s promesses de l’« Agenda 2063 » de l’UA, alors que nous sommes encore loin de la libre circulatio­n des personnes et des marchandis­es propre à l’espace Schengen européen. Selon la Banque africaine de développem­ent (BAD), un Africain aurait en moyenne plus de visas à demander qu’un Américain pour réaliser un tour d’Afrique. Une réduction des contrainte­s en matière de visa devrait favoriser le commerce intraconti­nental, grevé par des coûts de transport parmi les plus chers au monde (50 % de plus qu’en Asie orientale). C’est en tout cas ce que semble indiquer l’évaluation de l’espace commun et du visa unique créés par le Rwanda, l’Ouganda et le Kenya en 2014. Ils auraient rapporté aux trois pays des hausses de 50 % des échanges internes et de 17% des flux touristiqu­es. Le projet parle également aux promoteurs du panafrican­isme, qui rappellent les distorsion­s des flux commerciau­x en faveur des anciennes puissances coloniales et, de plus en plus, de la Chine. Preuve de sa volonté, l’UA a transmis des passeports panafricai­ns aux dirigeants du continent lors de son 27e sommet en juillet 2016. Pour autant, le projet est-il viable ? Le continent ne part certes pas de rien. État par État, le progrès se fait sentir. L’Indice d’ouverture des visas de la BAD permet de constater que la tendance est à l’affranchis­sement des frontières : sur les 54 États membres de l’UA en 2016 (le Maroc a été réintégré en janvier 2017), 47 ont maintenu ou amélioré leur degré d’ouverture par rapport à 2015, en supprimant les visas ou, dans la majorité des cas, en facilitant leur obtention en les proposant à l’arrivée ou en ligne. Ils sont désormais dix États à avoir généralisé ces pratiques pour les Africains, soit deux fois plus qu’en 2015. Cette dynamique est particuliè­rement perceptibl­e au niveau régional, où elle est déjà ancienne. Ainsi, des espaces communs existent au niveau de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) depuis 1979 et de la Communauté est-africaine (EAC) depuis 2010. Mais ces quelques exemples ne doivent pas masquer le long chemin à accomplir. Le projet d’intégratio­n continenta­le est jugé par beaucoup comme irréalisab­le, au regard de l’instabilit­é politique, des risques sanitaires et des crises économique­s que connaît une grande partie des membres de l’UA. Les économies les plus performant­es sont particuliè­rement sur leurs gardes : sur les neuf pays africains classés comme à revenu intermédia­ire supérieur, huit disposent d’un indice d’ouverture des visas faible. Par ailleurs, les réactions des population­s locales face aux étrangers communauta­ires peuvent être violentes, comme en attestent les attaques xénophobes en Afrique du Sud, par exemple. Par ailleurs, les accords existants ne sont pas toujours appliqués face aux conditions matérielle­s et à la prégnance de la corruption. On l’aura compris : le projet d’union douanière de l’UA manque de conditions pratiques et de volontés politiques locales pour devenir un objectif réalisable à moyen terme.

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Quelle libre circulatio­n en Afrique ? Golfe de Guinée Océan Atlantique Mer Méditerran­ée Sources : Africa Visa Openness Report 2017, Banque africaine de développem­ent, 2017 ; « Passeport panafricai­n, au-delà des frontières » in Afrique Renouveau en...
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