Guam : « crise des missiles » dans le Pacifique
Le 9 août 2017, le leader nord-coréen Kim Jong-un a annoncé son intention de lancer quatre missiles en direction de l’île américaine de Guam, projet ajourné quelques jours plus tard. Pourquoi ce petit territoire, situé à 3 500 kilomètres de la péninsule coréenne, est-il une cible des missiles stratégiques du régime de Pyongyang ?
Petit territoire américain depuis le traité de Paris de 1898 (qui a mis un terme à la guerre hispano-américaine, au profit des États-Unis), Guam (544 kilomètres carrés) est située au sud de l’archipel des Mariannes, perdu dans l’immensité de l’océan Pacifique. Disposant, à l’instar de Porto Rico, du statut de « territoire non incorporé », l’île est peuplée de 167 000 habitants (2017) qui bénéficient de la nationalité – mais pas de la citoyenneté – américaine. C’est aussi le territoire américain le plus occidental, à 11 000 kilomètres des côtes californiennes. Guam est, depuis l’été 2017, la principale cible des menaces nord-coréennes. Car si ses plages paradisiaques en font un eldorado touristique pour les clientèles japonaise et coréenne, l’île est surtout une des « pièces » essentielles du dispositif militaire américain dans le Pacifique et en Asie. Par sa position géographique, Guam est à bonne distance des menaces « classiques », l’île étant située à plus de 2000 kilomètres du Japon et des Philippines. Elle constitue ainsi un poste avancé de la surveillance américaine dans cette région du monde, et ce depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Occupée par les Japonais quelques jours après Pearl Harbor (7 décembre 1941), l’île fut reprise par les forces américaines à l’issue de trois semaines de combats en août 1944, et devint l’un des points d’appui de la reconquête américaine en Asie. Depuis, la militarisation de Guam n’a cessé de s’intensifier à mesure que l’Asie orientale se transformait en terrain d’affrontement idéologique. Dans le cadre de l’endiguement du communisme en Asie, Guam est devenue une base arrière lors des guerres de Corée (1950-1953) et du Vietnam (1955-1975), et abrite des sousmarins nucléaires depuis les années 1970. Le développement des infrastructures militaires s’est poursuivi à l’occasion de l’évacuation des bases américaines aux Philippines au début des années 1990. Depuis la montée des tensions entre la Chine et les pays bordiers des mers de Chine et la menace de la Corée du Nord, l’importance stratégique de Guam s’est renforcée. Sa base aérienne, l’Andersen Air Force Base, héberge bombardiers à longue portée et chasseurs furtifs. L’Apra Harbor permet d’accueillir les navires et les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la VIIe flotte. Guam dispose également des équipements constitutifs du « bouclier antimissile », le Terminal High Altitude Area Defence (THAAD), « parapluie » militaire permettant d’abattre les missiles balistiques et de protéger l’ensemble de la région. Ce n’est donc pas un hasard si Kim Jong-un menace Guam. Il y aurait en 2017, selon le Pentagone, environ 7 000 militaires sur l’île. De plus, plusieurs milliers d’autres sont attendus dans les prochaines années en raison du redéploiement de troupes actuellement en place à Okinawa (Japon). D’ici à 2022, Guam devrait s’imposer comme le hub majeur du dispositif militaire des États-Unis et comme l’un des maillons essentiels de sa politique de défense en Asie-Pacifique.