Les pieds sur terre : dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
le 17 janvier 2018, le gouvernement français a annoncé l’abandon du projet d’aéroport à notre-dame-des-landes, au nord de nantes. il était devenu un symbole de lutte, dépassant les enjeux locaux. le documentaire Les pieds
sur terre (2017), réalisé par batiste combret et bertrand hagenmüller, montre l’émergence d’une microsociété alternative mettant en scène différents modes de vie et de pensée. un angle loin du sensationnalisme, qui permet d’envisager l’imbrication des problématiques autour de cette zone d’aménagement différé (zad) devenue « zone à défendre ».
Les pieds sur terre prend pour cadre le Liminbout, hameau d’une dizaine d’habitants regroupant une variété de profils : agriculteurs, paysans syndicalistes, locataires endettés et squatteurs. Le film montre habilement l’importance de leurs différences sociales, culturelles et politiques, mais aussi celle de la contestation comme lien. Il met d’abord l’accent sur la revendication de l’abandon du projet d’aéroport par l’ensemble des habitants du hameau. La pression policière est omniprésente, même si elle n’apparaît concrètement à aucun moment à l’écran. C’est l’une des forces du documentaire : montrer la violence du projet, d’une part, et des oppositions, d’autre part, sans jamais filmer aucun affrontement. La tension se ressent dans les discours, notamment dans la crainte des agriculteurs d’être expropriés. Le hasard de la météo et du calendrier l’accentue : alors que la brume et la pluie occupent une grande partie du premier tiers du film, elles sont remplacées par le soleil estival dans la deuxième partie, après le départ des forces de police. Puis le propos se focalise davantage sur les liens créés entre les habitants du hameau et les squatteurs au fil des années et des luttes. Les réalisateurs montrent finement la complexité de ces liens, faits de confiance et de défiance.
Coexister malgré les différences
Le documentaire s’attache à montrer une variété de rapports interpersonnels. Alors que certains agriculteurs ouvrent leur terrain aux caravanes des jeunes « zadistes », d’autres habitants n’osent pas interagir. Même parmi les plus inclusifs, les différences de modes de vie sont parfois difficiles à gérer au quotidien, que ce soit sur la question de la propriété privée ou sur celle des formes de luttes à mener et de leur but. Mais la défiance n’est pas à sens unique, certains zadistes étant particulièrement critiques envers les modes de production agricole conventionnels et non biologiques que pratiquent les agriculteurs du Liminbout et plus généralement de la ZAD. Il en ressort que la facilité apparente de certains liens interpersonnels cache la difficulté des rapports entre groupes. Alors qu’à l’annonce de l’arrêt du projet d’aéroport s’est ajoutée celle de l’expulsion des occupants illégaux dès la fin du mois de mars 2018, le documentaire met en lumière la question de l’après. En s’interrogeant sur ce qui adviendra de la ZAD et de ses occupants après l’abandon du projet, les réalisateurs mettent en avant la variété des combats et des aspirations. Pour certains, l’objectif est essentiellement de préserver leur exploitation agricole ou leur habitation. Pour d’autres, il est de faire avancer une opposition aux grands projets d’aménagement et, plus largement, de défendre des revendications écologistes et anticapitalistes. Une partie des paysans et des zadistes souhaitent, plus concrètement, offrir un avenir alternatif à ces terres en faisant de la ZAD une zone d’expérimentation agricole et en offrant aux militants qui le veulent la possibilité de rester sur place pour développer de nouveaux projets d’aménagement. L’avenir du site et de ses occupants reste encore en suspens, et les luttes qui s’y déroulent semblent loin d’être achevées.