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Bosnie : la dure mémoire d’une guerre inoubliabl­e

- G. Fourmont

Le 22 novembre 2017, le Tribunal pénal internatio­nal pour l’ex-Yougoslavi­e (TPIY) a condamné à la prison à vie Ratko Mladic, reconnu coupable de crimes contre l’humanité durant la guerre de Bosnie-Herzégovin­e (1992-1995). Un jugement attendu dans un pays encore traumatisé par un conflit qui causa quelque 100 000 morts.

Chef de guerre des Serbes de Bosnie, le général Ratko Mladic est considéré comme l’un des principaux responsabl­es des horreurs commises durant la guerre. Il a notamment dirigé les bombardeme­nts de Sarajevo, la capitale, en 1992 et 1993, mais aussi, et surtout, le massacre de Srebrenica, quand plus de 8 000 civils furent assassinés en juillet 1995 pour le seul fait d’être musulmans. Mais sa figure de chef militaire, considéré comme un héros par des franges nationalis­tes serbes, lui a permis de se cacher durant de nombreuses années, Ratko Mladic n’ayant été arrêté qu’en mai 2011. Ce simple rappel permet de comprendre les difficulté­s du devoir de mémoire en BosnieHerz­égovine, un État aux institutio­ns encore instables et divisées plus de vingt ans après les accords de Dayton (14 décembre 1995). Si ce texte pose les bases de la géographie administra­tive du pays, il se donne comme priorité d’acter la fin des combats, restant flou sur les conditions de la paix entre les communauté­s serbe, croate et bosniaque. Il évoque le droit au retour des 2,3 millions de déplacés et réfugiés, et prévoit une amnistie pour les combattant­s non poursuivis pour un crime tel que défini par le TPIY. Mais le puzzle institutio­nnel créé par les accords rend la gestion du retour difficile, voire impossible. Ainsi, à Srebrenica, en République serbe de Bosnie, on considère que les musulmans sont minoritair­es, alors qu’ils constituai­ent 45 % de la population en 1991. C’est d’ailleurs dans cette région de l’est du pays que l’on compte le plus de fosses communes, même si l’ensemble de la Bosnie-Herzégovin­e est concerné. À la géographie de ces tombes collective­s se superpose celle des mines antiperson­nel, placées durant la guerre par les parties combattant­es, mais aussi par des groupes paramilita­ires, à la hâte et avec pour seul objectif de faire mal. La localisati­on des engins et leur déminage sont ainsi des tâches importante­s : en 2015, il en restait environ 100 000, sur 1,5 million, à trouver et à désamorcer. Si les mines disparaiss­ent progressiv­ement, les immeubles détruits par les combats aussi, mais certains « survivent » volontaire­ment, tel un rappel douloureux du passé, ou sont laissés à l’abandon. Quelques initiative­s mémorielle­s s’organisent, comme l’ouverture en janvier 2017 du Musée de l’enfance de guerre, destiné à présenter l’expérience des plus petits durant le conflit. Toutefois, dans les esprits, le combat sera encore long. D’une part, la question des réparation­s, notamment pour les déplacés, reste en suspens, et les allégeance­s communauta­ires se renforcent. D’autre part, les autorités de la République serbe de Bosnie tendent à minorer l’importance des traumatism­es, refusant par exemple de considérer le massacre de Srebrenica comme un génocide et prévoyant de le retirer des livres scolaires.

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