France : commerces à vendre en centre-ville
Le centre des villes se vide et les magasins ferment : en 2017, plus de la moitié des coeurs de cités moyennes françaises (entre 20 000 et 100 000 habitants), les plus touchées par le phénomène, avaient un taux de commerces vides supérieur à 10 %. En décembre 2017, le gouvernement a annoncé un plan d’aide de 5 milliards d’euros afin de lutter contre cette désertification.
Les coeurs de villes sont au centre des préoccupations du gouvernement français à la suite de la publication de plusieurs rapports, notamment de l’Inspection générale des finances (1). C’est d’abord les vacances commerciales qui ont alerté sur le sort des centres-villes, car elles ne cessent d’augmenter, passant de 7,2 % en 2012 à 11,1 % en 2017 (hors Île-de-France), soit plus d’un commerce sur dix dont le rideau est tiré (cf. carte 1). La situation touche inégalement les villes, selon leur taille : en 2017, le taux de commerces vacants est de 8,7% pour les communes de plus de 500 000 habitants, 11,6 % pour celles de 200 000 à 500 000 habitants et de 12,2 % pour celles de moins de 200 000. Dans certaines villes, c’est même un commerce sur quatre qui est fermé, comme à Béziers (Hérault) (cf. carte 2), et plus d’un sur quatre à Châtellerault (Vienne), Calais (Pas-de-Calais), Guéret (Creuse) ou Vierzon (Cher). Plus de 140 villes ont un taux de vacance commerciale supérieur à 10 %, limite considérée comme critique, le phénomène devenant durable.
ZONES COMMERCIALES
Les commerces de centre-ville sont confrontés au développement des grandes surfaces en périphérie des milieux urbains, d’autant plus que ces dernières se sont développées de façon exponentielle. En effet, les centres commerciaux occupent 17 millions de mètres carrés de surface totale en 2017, contre 14,7 millions dix ans plus tôt. Et leur expansion continue : près de 1,4 million de mètres carrés de magasins de plus de 1 000 mètres carrés ont été autorisés en 2017 (plus de 5 autres millions sont en stock), alors que, paradoxalement, l’activité des grandes surfaces baissait de 1,2 %. Ces expansions concernent pour plus de 87 % des surfaces commerciales les périphéries des villes, soit 4,7 millions de mètres carrés, alors que les centres commerciaux de centre-ville ne représentent que 4,3% des surfaces en 2017. Si les ouvertures de magasins sont encadrées par les commissions départementales et nationales d’aménagement commerciales, la question de la saturation se pose. Des commerçants de centre-ville
et des élus locaux ont ainsi appelé à l’instauration d’un moratoire sur l’ouverture de nouvelles enseignes en périphérie. Si cette idée avait la faveur des ministères de la Cohésion des territoires et de l’Écologie, Bercy a retoqué cette possibilité au nom de la liberté d’installation. Le gouvernement a néanmoins fait de cette question un axe majeur de sa politique en direction des territoires avec la mise en place du plan « Action coeur de ville », prévu sur cinq ans et doté de plus de 5 milliards d’euros. Il concerne les villes de 20 000 à 100 000 habitants, considérées comme le plus en difficulté. Si c’est bien la vacance commerciale qui a alerté les pouvoirs publics, les villes moyennes font face à d’autres enjeux : 82 % ont un taux de chômage supérieur à la moyenne (9,4% en 2017 en métropole), le taux de logements vacants avoisine 8 % (contre 6,6 % sur l’ensemble du territoire) et 17,8 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (contre 14,5 % au niveau national).
QUEL MODÈLE DE CONSOMMATION ?
Les mesures gouvernementales s’organisent autour de trois axes : le logement pour faire revenir des habitants en centre-ville, le commerce et l’accès aux services et à la couverture numérique. En effet, les boutiques ne sont pas les seules à quitter les centres-villes, les habitants aussi en raison de loyers prohibitifs pour des habitations pas toujours en bon état et/ou parce qu’ils aspirent à vivre dans des logements récents et individuels. Il y a un véritable désaveu des maisons de ville sans jardin et des appartements quand les habitants d’une agglomération peuvent, pour des prix similaires, accéder à une maison récente avec un jardin privatif. Ainsi, en 2014, la vacance des logements est de 8,5% pour les villes de moins de 100000 habitants, contre 6,8 % pour celles de plus de 500 000 habitants ; elle dépasse 15 % dans cinq agglomérations de moins de 100000 habitants, comme Thiers (Puy-de-Dôme). Cette désaffection des centres-villes entraîne une modification des modes de consommation : l’accès aux grandes surfaces commerciales présentes dans les périphéries est plus facile et les parkings y sont gratuits. Par ailleurs, le recours de plus en plus fréquent aux boutiques en ligne vient aussi fragiliser les enseignes des centres urbains, sans compter les départs et fermetures de services publics dans ces mêmes centres. Les mesures prises pour lutter contre cette désertification doivent ainsi agir sur l’habitat, le commerce, mais aussi la culture, le patrimoine, l’accessibilité, le stationnement, afin de conduire une politique globale d’attractivité… Si la situation de ces communes est difficile, certaines d’entre elles mènent un travail de longue haleine pour inverser la tendance. À l’instar d’Arras (Pasde-Calais) ou de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), qui ont toutes deux pris le problème à bras-lecorps, se basant sur une stratégie commerciale (fonds d’aide et de soutien, droit de préemption pour la première et taxe sur les friches commerciales pour la seconde), une mise en valeur de leur ville à travers l’organisation d’événements (marché de Noël, festival, par exemple) et la promotion de leur patrimoine. Le plan du gouvernement cherche ainsi à soutenir et à amplifier les initiatives des élus locaux.
NOTE
(1) Inspection générale des finances et Conseil général de l’environnement et du développement durable, La revitalisation commerciale des centres-villes, 2016.