Vaccination : se protéger contre tout ?
Depuis le 1er janvier 2018, tout enfant né en France doit recevoir, avant ses deux ans, onze vaccins. Auparavant, la vaccination n’était impérative que pour trois maladies. Alors que les sanctions à l’égard des parents réfractaires relèvent désormais du C
La baisse du taux de couverture vaccinale et la réapparition de certaines maladies, comme la rougeole (cf. document 2 p. 44), ont été mises en avant par le gouvernement français pour justifier l’ouverture de l’obligation à huit nouveaux vaccins. S’il est vrai que le nombre de cas de rougeole en France a augmenté en 2017 (405 entre le 1er janvier et le 31 juillet 2017, contre 79 en 2016), la couverture vaccinale n’est pas en baisse. Selon les données de l’assurance maladie, elle a stagné ou progressé depuis 2010 dans l’ensemble des tranches d’âge. Pour autant, ce taux n’atteint pas les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a fixé en 2004 le seuil de couverture vaccinale à 95 % pour empêcher l’apparition de flambées épidémiques d’une maladie. En 2015, en France, 99% des enfants de moins de deux ans étaient couverts par le premier vaccin obligatoire DTP (diphtérietétanos-poliomyélite) et 98% pour le rappel. Sur les huit vaccins auparavant recommandés et désormais obligatoires, l’objectif de couverture vaccinale était jusque-là rempli pour deux d’entre eux (HiB et coqueluche). La rougeole, les oreillons, la rubéole et le pneumocoque étaient quant à eux couverts à 91%. Un réel problème se posait donc plus largement pour l’hépatite B (88 %) et le méningocoque C (70 %).
OBLIGATION ET COUVERTURE, UNE CORRÉLATION NON ÉVIDENTE
Si tous les États de l’Union européenne disposent d’un calendrier vaccinal incitant leur population à s’immuniser contre un certain nombre de maladies, il n’existe aucune obligation dans 16 pays (Allemagne, Autriche, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Irlande, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Roumanie et Suède) (cf. carte 1). Dans la plupart des cas, cette absence n’a pas d’incidence sur le taux de couverture vaccinale : en Suède, par exemple, 96 % des enfants de deux ans sont à jour des dix vaccins recommandés. Il en va de même au Luxembourg, où près de 99 % des enfants ont reçu les 13 souches recommandées. En Roumanie, une campagne de médiatisation contre le vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole) et les liens présumés entre cette vaccination et des cas d’autisme a entraîné une chute de la couverture
vaccinale contre la rougeole, passée de 94% en 2012 à moins de 80 % en 2016. Cette baisse significative se retrouve ailleurs, comme en Ukraine, avec pour conséquence d’importantes vagues épidémiques. D’autres pays d’Europe ont au contraire maintenu un système basé sur l’obligation : la Belgique (un vaccin obligatoire), la Grèce (4), la République tchèque, la Croatie et la Slovénie (9), la Slovaquie et l’Italie (10), la Pologne, la Hongrie et la Bulgarie (11), et la Lettonie (13). Il n’existe aucune harmonisation au sein de l’Union européenne. En 2016, un rapport du projet européen ASSET a montré l’impossibilité de confirmer une relation entre l’obligation et les taux de couverture vaccinale des enfants en Europe (1). D’autres facteurs, tels que la gratuité et la facilité d’accéder à l’acte vaccinal, entreraient probablement davantage en compte. On peut aussi émettre l’hypothèse que les différences culturelles entre les pays européens, notamment dans le domaine de la prévention, ont un impact sur les taux de vaccination. Dans les pays du sud de l’Europe, le scepticisme quant à la sécurité et à l’efficacité des vaccins progresse. Quelques mois avant la France, l’Italie a rendu obligatoires dix vaccins jusque-là recommandés. Cette disposition a été prise pour contrer une couverture vaccinale trop faible : au-dessous de 90 % pour un certain nombre de vaccins et 85 % pour la rougeole. Cette réforme s’est heurtée à une forte opposition. Le Mouvement 5 étoiles a contesté le « cadeau » fait aux multinationales de la santé alors qu’en Vénétie le parti d’extrême droite la Ligue du Nord s’est positionné sur le droit individuel à la santé impliquant la liberté de choix pour chacun. La contestation citoyenne s’est organisée autour des « No Vax » à travers l’organisation de larges manifestations dans tout le pays durant l’été 2017. En France aussi la défiance est importante. Dans une enquête menée en 2016 par le Comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, 55% des parents d’enfants âgés de un à quinze ans ont répondu qu’ils feraient certainement vacciner leurs enfants si la vaccination DTP n’était plus obligatoire (2).
DES ADJUVANTS AU COEUR DES DÉBATS
Alors que la couverture mondiale de la vaccination s’est maintenue à 86% en 2017, que l’administration de vaccins nouveaux ou pas suffisamment utilisés augmente et qu’on estime que la vaccination permet d’éviter entre 2 millions et 3 millions de décès par an, 1,5 million de morts supplémentaires pourraient être évités avec une amélioration de la couverture vaccinale. En 2017, 19,5 millions de nourrissons dans le monde ne bénéficiaient toujours pas des vaccins de base. Dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la défiance vis-à-vis de la vaccination vient souvent des soupçons de conflits d’intérêts entre de grands laboratoires pharmaceutiques et certains responsables politiques. En France, 94 millions de vaccins contre la grippe A/H1N1v ont été commandés à l’automne 2009 pour plus de 700 millions d’euros auprès des laboratoires GSK, Sanofi-Pasteur, Novartis et Baxter, mais seules 5 millions de personnes se sont fait vacciner. En 2010, un rapport du Sénat montrait le poids des lobbys pharmaceutiques dans cette opération (3). Enfin, au-delà des enjeux politiques, idéologiques ou religieux, la méfiance face aux vaccins va de pair avec la question des adjuvants qu’ils contiennent. La sécurité de ces derniers, qui servent à stimuler la production d’anticorps par l’organisme, mais qui contiennent souvent des sels d’aluminium, est mise en doute depuis plusieurs années. Alors que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) assure que les recherches sur d’éventuels effets neurologiques dus à la présence d’aluminium dans les vaccins nécessitent d’être approfondies, elle refuse de les financer. Pourtant, il existe des alternatives à l’adjuvant aluminique, comme le phosphate de calcium. La mise en place de ces solutions pourrait être l’une des réponses adéquates pour transformer, chez les réfractaires, la contrainte en conviction.
NOTES
(1) ASSET, Compulsory vaccination and rates of coverage immunisation in Europe, 2016. (2) Comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, Rapport sur la vaccination, 2016. (3) Sénat, Rapport de la commission d’enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1)v, 2010.