Donald Trump : un danger pour l’environnement ?
L’environnement est l’une des premières victimes de l’action politique de Donald Trump. L’objectif affiché du président américain est de démanteler les mesures prises par Barack Obama (2009-2017), avec près de 150 dispositions retoquées au 21 novembre 2017. L’environnement est de loin le secteur le plus touché avec 61 textes suspendus, abrogés ou amendés, suivi par l’emploi (26), les droits civiques (16) et la santé (16).
Quatre jours seulement après la prise de ses fonctions, le 20 janvier 2017, Donald Trump a donné le ton de sa politique environnementale en relançant les projets d’oléoducs Keystone XL et Dakota Access (cf. carte 2). Ces derniers, auxquels Barack Obama s’était opposé et auxquels l’opinion publique, pourtant favorable ces dernières années, n’a cessé d’être de plus en plus réfractaire (1), sont décriés pour leur impact écologique néfaste sur les nappes phréatiques. Le risque s’est confirmé le 16 novembre 2017, avec la fuite de 800 000 litres de pétrole sur l’oléoduc Keystone, dans le Dakota du Sud, près de la réserve indienne de Lake Traverse. L’infrastructure, gérée par l’opérateur TransCanada, doit relier sur 4 324 kilomètres la province canadienne de l’Alberta aux États américains de l’Oklahoma et de l’Illinois et, à terme, les raffineries du golfe du Mexique. Les opérations de nettoyage doivent durer plusieurs mois.
UN HÉRITAGE DÉMANTELÉ
Le virage politique environnemental pris par Donald Trump concerne également les énergies fossiles, avec la volonté de lever les limitations d’émissions de gaz à effet de serre des centrales électriques à charbon (mises en place avec le plan pour une énergie propre signé en 2015), à laquelle s’ajoutent l’ouverture de deux nouvelles mines en Pennsylvanie et la levée des restrictions d’exploitations minière et gazière dans les parcs nationaux. En 2015, 511 centrales à charbon étaient réparties sur le territoire, fournissant 34 % de l’électricité du pays. Dans l’optique de baser sa politique énergétique sur la promotion des énergies fossiles, le président a également annulé la directive imposant aux compagnies gazières et pétrolières de communiquer leurs émissions de méthane. Malgré les décisions de Donald Trump en faveur du charbon, cette énergie est vouée à un lent déclin, la politique énergétique s’appuyant de plus en plus sur l’extraction du gaz de schiste. Permise grâce aux avancées technologiques au début des années 2000, elle fait espérer soixante ans de réserves au pays qui rêve d’accroître son autonomie énergétique. Alors que cette ressource était vantée pour son caractère moins polluant que l’exploitation du charbon (deux fois plus émettrice de dioxyde de carbone, CO2), ces dernières années, des études ont nuancé cet avantage, pointant la pollution engendrée par son extraction. En effet, l’exploitation de gaz de schiste a révélé des fuites d’éthane, gaz à effet de serre indirect sans grand impact selon les climatologues et de faible durée de vie, et de méthane, beaucoup plus tenace dans l’atmosphère et au potentiel de réchauffement vingt fois supérieur à celui du CO2.
Les espaces naturels n’échappent pas à la volonté réformiste de Donald Trump vis-à-vis des mesures antérieures : un décret a ordonné le réexamen du statut de zone protégée des aires naturelles de plus de 400 kilomètres carrés. C’est ainsi qu’en février 2018, deux parcs bénéficiant du statut de monuments nationaux dans l’Utah, le Bears Ears (créé en 2016 par Barack Obama) et le Grand Staircase-Escalante (créé en 1996 par Bill Clinton), ont perdu respectivement 85 et 45% de leur surface. Cette décision prise dès décembre 2017 a suscité l’indignation de plusieurs associations de protection de l’environnement ; elle pourrait en effet menacer le patrimoine géologique en permettant l’exploitation pétrolière de zones déclassées. Celles-ci abritent des réserves amérindiennes ainsi que des sites archéologiques renfermant des peintures rupestres vieilles de plus de 5 000 ans. Les fonds marins des océans Pacifique et Atlantique sont également susceptibles de voir leurs subventions de restauration supprimées. Les zones maritimes de l’Arctique, protégées par Barack Obama face aux activités de forage offshore, ont été rouvertes à l’exploitation.
UN ENGAGEMENT CITOYEN ?
C’est sans conteste la décision du président républicain de retirer les ÉtatsUnis de l’accord de Paris, le 1er juin 2017, qui a marqué l’opinion publique américaine et, au-delà, l’ensemble des nations du monde. Alors que Washington avait accepté le texte dans un premier temps, c’est un retour en arrière pour le deuxième pays le plus pollueur de la planète (et dont les émissions de gaz à effet de serre ont grimpé de plus de 30 % depuis le début des années 2000, cf. document 3), qui reste le seul État avec la Syrie à vouloir rester en dehors de l’accord. Cette décision doit néanmoins être approuvée par le Congrès et ne prendra effet qu’en 2019. Mijanvier 2018, le président américain a affirmé qu’un retour théorique de son pays dans l’accord était envisageable, mais en renégociant les conditions économiques et financières, continuant de considérer le texte signé à Paris comme « un désastre ». L’annonce du retrait en juin 2017 a donné lieu à un mouvement d’opposition dans plusieurs villes et entreprises, affichant leur détermination dans l’application des objectifs édictés lors de la COP21. Rappelons par ailleurs que de nombreux États républicains comme démocrates (Californie, Caroline du Nord, Colorado, Connecticut,
Delaware, Hawaii, Maryland, Massachusetts, Minnesota, New York, Oregon, Rhode Island, Vermont, Virginie, Washington, au 19 février 2018) ont formé l’Alliance américaine pour le climat, s’engageant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et que d’autres (Dakota du Sud, Kansas, Idaho, Iowa, Maine, Montana, Oklahoma, Oregon, Vermont, Washington) utilisent au moins 25% d’énergies renouvelables pour leur production énergétique. Des sondages mettent en avant le fait que la majorité des Américains se sentent concernés par l’environnement (75 %), considérant que c’est une priorité (cf. carte 1 p. 58). Toutefois, peu d’entre eux font des efforts réguliers pour aider à le protéger (20%), alors que la lutte contre le terrorisme et la bonne santé de l’économie restent les préoccupations majeures (2).
RISQUES ENVIRONNEMENTAUX
Plusieurs études, dont une publiée en 2017 dans la très sérieuse revue scientifique Science, prouvent que les États les plus favorables à Donald Trump s’avèrent les plus vulnérables face au coût environnemental et socio-économique du changement climatique à l’horizon 20802099 (3). En effet, les États américains ne seront pas tous logés à la même enseigne, particulièrement ceux du sud et du sud-est (Alabama, Arkansas, Floride, Géorgie, Louisiane, Mississippi, Oklahoma et Texas), où ce coût pourrait représenter de 10 à 20 % de leur PIB. Ces États connaîtraient des vagues de canicule ainsi qu’une hausse du niveau de la mer (du fait de la fonte des glaces et du caractère plus virulent des épisodes cycloniques), avec un bilan humain potentiellement lourd. Le réchauffement climatique accroîtrait donc les inégalités territoriales au sein du pays, les régions du nord-est (Nouvelle-Angleterre) étant les mieux loties. L’ambition de Donald Trump de reléguer l’environnement loin des priorités nationales s’est confirmée lors de la présentation du budget au Congrès en décembre 2017. Intitulé L’Amérique d’abord : un projet de budget pour restaurer la grandeur de l’Amérique, il prévoyait une coupe de 31% des fonds alloués à l’Agence de protection de l’environnement et une baisse de 20 % de ses effectifs. Très controversé, le budget 2018, qui aurait dû être approuvé par le Congrès dès octobre 2017, a nécessité plus de quatre mois de tractations, notamment en raison des désaccords entre républicains et démocrates, menant jusqu’au shutdown entre les 20 et 22 janvier 2018. Dans le budget ne figureront finalement pas les coupes voulues par le président, épargnant, temporairement, la politique environnementale, déjà bien touchée par l’administration Trump.
NOTES
(1) Rob Suls, « Public divided over Keystone XL, Dakota pipelines; Democrats turn decisively against Keystone », Pew Research Center, 21 février 2017. (2) Pew Research Center, « After Seismic Political Shift, Modest Changes in Public’s Policy Agenda », 24 janvier 2017 ; Monica Anderson, « For Earth Day, here’s how Americans view environmental issues », 20 avril 2017. (3) Solomon Hiang, Robert Kopp et al., « Estimating economic damage from climate change in the United States », in Science vol. 356, no 6345, juin 2017, p. 1 362-1 369.