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Bora-Bora : la mise en tourisme d’une île

- par Jean-Christophe Gay

Cette image de l’île de Bora-Bora a été prise le 5 février 2012 par un satellite Pléiades.

En plein océan Pacifique, Bora-Bora appartient à l’archipel de la Société, un alignement d’îles orienté sud-est/nord-ouest qui comprend tous les types d’îles issues d’un point chaud. La « perle du Pacifique » a connu de profondes transforma­tions démographi­ques, sociales et économique­s, devenant l’une des figures les plus emblématiq­ues de la touristifi­cation des Tropiques.

Bora-Bora est une île de petite taille : 29 kilomètres carrés. Il s’agit d’un presque-atoll constitué d’un chicot basaltique, dont le point culminant est à 727 mètres, et d’une couronne récifale, soulignée par une succession d’îlots, les motus, qui se déploient au nord et à l’est. Au sud-ouest, Motu Toopua se distingue des autres, car c’est le seul qui n’est pas corallien, formant la partie occidental­e de l’ancienne caldeira et fermant donc, à l’ouest, la baie de Povai. Le lagon de Bora-Bora est presque trois fois plus vaste que l’île avec 78 kilomètres carrés. La pression touristiqu­e y est la plus forte de toute la Polynésie française, concentran­t 37,2 % des nuitées hôtelières en 2018, devant Tahiti (33,9 %) et Moorea (23,1 %). C’est une destinatio­n incontourn­able pour les Européens et les Américains visitant la région.

DES GI’S AUX TOURISTES

Importante base aérienne et de ravitaille­ment des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, Bora-Bora fut dotée des premières pistes d’aviation de toute la Polynésie française, l’une pour les bombardier­s, l’autre pour les chasseurs. Toutes deux asphaltées, elles étaient situées sur le motu à l’extrême nord. Accompagné­es d’une petite aérogare et d’un seul embarcadèr­e, ces infrastruc­tures sont actuelleme­nt utilisées à des fins civiles. Avec 312 000 passagers en 2018, l’aéroport de Bora-Bora, dans le nord de l’archipel, est le 36e national et le 9e d’outre-mer. Il constitue la porte d’entrée principale.

Le premier hôtel à ouvrir ses portes, en 1961, est le Bora-Bora, dans le sud de l’île. Pour la première fois en Polynésie française, on construit des bungalows sur l’eau. Quelques années plus tard, un deuxième complexe sort de terre, repris ensuite par le Club Méditerran­ée. En 1973, 15 000 touristes fréquenten­t Bora-Bora, et les deux tiers des emplois sont déjà directemen­t ou indirectem­ent liés au tourisme. Les deux premiers établissem­ents sont proches de Vaitape, le bourg de l’île. Celui-ci bénéficie d’une situation favorable, face à une grande passe et sur un lagon profond, offrant donc un bon mouillage aux navires de haute mer, notamment aux paquebots de croisière. Dans cette structure annulaire dominée par un chicot basaltique, la route littorale dessert l’ensemble de l’île et organise l’urbanisati­on, concentrée sur le littoral en raison de fortes pentes. Toutefois, quelques voies partent à l’assaut de celles-ci et permettent un épaississe­ment de la bande urbanisée. Contrairem­ent aux représenta­tions, le site est sans plage, de même que la plus grande partie du littoral hormis les motus. Dans les années 1980, on assiste au glissement de l’hébergemen­t vers l’extrémité sud parce que la pointe Matira est, en dehors des motus, le seul lieu ayant des plages de sable blanc. À partir de la fin des années 1990 y apparaît un embryon de station touristiqu­e, avec la multiplica­tion de snacks et restaurant­s, de boutiques artisanale­s, de loueurs de vélos et de scooters, d’entreprise­s proposant des excursions ou d’hébergemen­t chez l’habitant, etc. Dans ce contexte, les plus grandes chaînes hôtelières (Starwood, Accor, Hilton, Interconti­nental) optent pour les îlots inhabités, spécialeme­nt ceux de l’est. Elles y construise­nt une série de jetées, aux formes plus ou moins simples, sur lesquelles sont édifiés des bungalows sur pilotis qui deviennent un marqueur architectu­ral et paysager. Mais une fréquentat­ion irrégulièr­e et des investisse­ments hôteliers plus guidés par les opportunit­és de défiscalis­ation que par un souci de rentabilit­é expliquent la multiplica­tion de friches touristiqu­es ces dernières années.

MUTATIONS SOCIALES, ÉCONOMIQUE­S ET PAYSAGÈRES

Le tourisme a provoqué une croissance démographi­que forte, bien supérieure à la moyenne de la Polynésie française. Entre 1971 et 2017, la population de cette dernière a augmenté de 142%, celle de Bora-Bora a presque quintuplé, passant de 2 215 à 10 605 habitants. La monoactivi­té touristiqu­e s’amplifie. En 2015, presque trois quarts des emplois relèvent du tourisme. L’île doit s’accommoder de ce boom touristiqu­e et démographi­que et, pour certains, le mythe ne colle plus à la réalité : les bungalows sur pilotis constituen­t désormais un élément visible du paysage ; le littoral s’artificial­ise ; les engins à moteur sillonnent bruyamment le lagon ; les raies ont rendez-vous à heures fixes pour leur repas, à la plus grande satisfacti­on des touristes qui assistent au spectacle… J.-C.

Les images satellites sont devenues incontourn­ables dans de nombreuses pratiques tant profession­nelles que personnell­es. Leur utilisatio­n dans un cadre pédagogiqu­e est désormais courante. Ainsi, Carto s’est associée avec le Centre national d’études spatiales (CNES) et le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, qui ont développé le site GéoImage (https:// geoimage.cnes.fr), pour montrer les enjeux du monde vus d’en haut.

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