Édito
Grande comme l’Europe mais plus discrète sur la scène internationale, l’Asie du Sud-Est se situe au coeur des enjeux économiques, politiques et sociétaux de la mondialisation. Riche d’une variété rare de religions, de langues (et d’alphabets), d’un patrimoine issu d’une histoire millénaire, la région a réussi à exprimer un semblant d’unité à travers une organisation comparable, dans une certaine mesure, à l’Union européenne (UE), l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). Cette unité n’a pas été aisée à façonner, mais elle a placé les pays de la zone au centre du commerce international, notamment pour les secteurs stratégiques de l’électronique, de l’automobile et de l’agroalimentaire. Et bien entendu, du tourisme. La Thaïlande fait ainsi partie chaque année du Top 10 des États les plus visités de la planète, avec quelque 30 millions de voyageurs étrangers.
Ce domaine est sans doute un bon vecteur d’analyse des défis en cours dans le contexte de propagation du coronavirus SARS-CoV-2. En effet, les Chinois représentent une manne importante pour les économies thaïlandaise, birmane, vietnamienne ou malaisienne. Comment leur fermer les frontières au nom de la santé publique, sans froisser Pékin ? D’autant que l’équation ne s’arrête pas là : l’Indonésie, par exemple, craint les répercussions économiques de la crise, la Chine étant son premier partenaire commercial. Bloquer les voies aériennes, ferroviaires, routières et maritimes avec la République populaire pour ne pas propager le virus aura des effets à long terme sur la croissance économique et les comptes publics pour des pays à l’équilibre déjà incertain.
Car il ne faut pas oublier que la région présente des régimes de plus en plus autoritaires. La période de démocratisation ouverte dans les années 1980 semble se refermer, avec un populisme revendiqué (les Philippines avec le président Rodrigo Duterte), la mainmise de l’armée (Thaïlande), une liberté frustrée (la Birmanie d’Aung San Suu Kyi), une intolérance là où l’on ne s’y attendait pas (Indonésie)… Heureusement que les données économiques sont bonnes pour les pouvoirs en place, car les manifestations dans les pays arabes et à Hong Kong pourraient en inspirer certains. Intéressante question alors que de savoir ce que le coronavirus pourra révéler comme symptômes sociopolitiques sur les nations d’Asie du Sud-Est.