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CARTE DES PROJETS DE TRACÉS DU TUNNEL SOUS LA MANCHE

- D. Brion et X. Rochel

En 1875, plusieurs kilomètres de galeries avaient déjà été creusés, mais le projet fut abandonné en 1883, les militaires anglais craignant la perte de l’insularité qui était leur meilleure défense, L’Illustrati­on, 30 janvier 1875.

l’entre-deux-guerres, l’abonné peut profiter d’un corpus d’une centaine de cartes inédites par an (152 pour la seule année 1938). Il est vrai que dans la plupart des cas, il ne s’agit que de documents en petit format, occupant moins d’une demi-page : la carte ne supplante pas les images privilégié­es que sont la gravure ou la photograph­ie. Elle peut parfois occuper une demi-page, voire une page entière. Soignée, pensée pour plaire et être utile, elle présente de grandes qualités graphiques et pédagogiqu­es. Les simples cartes de localisati­on dessinées au trait, qui forment les effectifs les plus importants, laissent la place à des documents élaborés, parfois peints. Quels sont les thèmes dominants ? Une observatio­n s’impose d’emblée : plus de la moitié des cartes et plans sont directemen­t en lien avec un conflit militaire. Cette préoccupat­ion est tout à fait constante tout au long de la période : les guerres amenaient par ailleurs une inflation des ventes du journal. Il faudrait en outre souligner l’importance de la colonisati­on dans les thèmes abordés : près du quart des cartes et plans sont en lien avec le fait colonial, qu’il y ait affronteme­nt armé ou non. Des thèmes plus pacifiques sont également abordés de façon fréquente : l’urbanisme et l’aménagemen­t des territoire­s, par exemple.

UN COURS DE GÉOGRAPHIE

La nature des cartes publiées reflète d’abord les lieux privilégié­s dans la culture du temps, soit que la répartitio­n des lieux représenté­s reflète les préoccupat­ions du lectorat, soit qu’elle reflète plutôt les idées des auteurs et des responsabl­es de la publicatio­n. On peut penser qu’il existe un souci pédagogiqu­e, un souhait d’orienter la pensée, la culture, voire les idées du lectorat : d’une certaine façon, L’Illustrati­on offre chaque semaine un cours de géographie, au temps où la géographie scolaire et universita­ire se développe sous l’impulsion de personnage­s emblématiq­ues tels qu’Élisée Reclus (1830-1905) ou Paul Vidal de La Blache (1845-1918). Pour des lecteurs plutôt parisiens, L’Illustrati­on privilégie naturellem­ent la capitale. Sur le total des cartes et plans représenta­nt une ville, près de 40 % des figures publiées représente­nt Paris.

Mais L’Illustrati­on aide aussi le lecteur à prolonger le regard au-delà de son horizon proche, en privilégia­nt certaines directions. Il est évident que ce lecteur regarde plus fréquemmen­t vers l’est. L’actuelle région Grand Est représente par exemple plus de 15 % des territoire­s français représenté­s, contre 3 % pour la Bretagne, 1 % pour la Corse. Inquiétée par le voisinage allemand, par les tensions ou les guerres qui menacent, la France fixe la « ligne bleue des Vosges ». Il est vrai qu’aux débuts de la période de publicatio­n, les cartes et plans représenta­nt l’Europe ne constituen­t que 40% du total. L’Amérique (21 %) et l’Afrique fascinent le lecteur, alors que commence à se constituer un empire colonial. Mais avec le temps, l’univers pris en compte par L’Illustrati­on se contracte. Après 1900, les cartes portant sur des territoire­s européens représente­nt plus de 60 % de l’effectif publié, et cette part s’élève aux deux tiers dans les années 1930. Montée des nationalis­mes et inquiétude­s face à un voisinage européen en ébullition mènent à un recentrage du regard, un repli sur le vieux monde, tandis que l’Amérique, par exemple, est négligée. L’Illustrati­on a traduit chaque semaine l’esprit de son siècle. Miroir d’un monde en ébullition, le périodique a tenu en haleine le lecteur passionné par les progrès techniques, le dynamisme scientifiq­ue et culturel, éclipsé ou parfois stimulé par les conflits. Mais il n’est pas que cela. Il constitue une oeuvre monumental­e en quête d’une perfection esthétique, comme l’ont été les grandes réalisatio­ns de la période. Les cartes et plans de L’Illustrati­on montrent aussi les évolutions dans le regard porté sur le monde par une partie de la société française. Au XIXe, ce regard est porté sur l’horizon, fasciné par les territoire­s en cours d’exploratio­n ou de conquête. Au siècle suivant, il s’abaisse sur les frontières proches, les guerres qui menacent ou frappent l’Europe : les cartes reflètent alors une forme d’inquiétude et de repli sur soi.

NOTES

(1) Selon Jean-Sébastien Baschet, actuel gérant des archives du journal (www.lillustrat­ion.com), les cartes étaient réalisées en interne sur la base d’informatio­ns transmises par les reporters, et il y avait des géographes au sein de la rédaction. (2) Jean-Noël Marchandia­u, L’Illustrati­on (1843/1944) : Vie et mort d’un journal, Privat, 1987.

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