Pub des années 80
Un petit zapping sur les infos de bon matin avant de rejoindre la Seine-et-Marne me réactive la mémoire : j’avais oublié qu’avec le printemps fleurissent les rubans. C’est le temps du Sidaction, trois jours de quête médiatique pour la recherche et la prévention du VIH. Ce matin- là, les journalistes arborent, côté coeur, un ruban rouge comme la lutte, tout en dissertant sur la victoire surprise de Bordeaux à Monaco en Ligue 1. Le sida fait partie du décor. Ni plus ni moins. « Avant de jeter un oeil sur le classement, nous vous rappelons que vous pouvez faire vos promesses de don au 110. »
Dans la foulée, je reçois un texto de mon pote François, militant antédiluvien de la lutte contre le VIH, un survivor, comme on qualifie ceux qui ont survécu au génocide viral des années 1980. François, il en a encaissé des vertes et des pas mûres toute sa vie, comme ces propos insensés d’une psychologue associative, pas très finaude, qui lui avait balancé d’un ton enjoué : « T’es au 100 % Sécu ? T’as trop de la chance, c’est génial ! » Pour qu’il se fende d’un texto aux aurores, je l’imagine hors de lui : « Tu l’as vue, cette pub ? Elle m’a révolté ! » Et de me joindre l’affiche du Sidaction montrant une fille allongée dans son lit enrichie de l’accroche : « Si elle n’est pas venue bosser, ce n’est pas parce que c’est UNE GROSSE FEIGNASSE. Avec le sida, la vie est beaucoup plus compliquée. »
Pas besoin d’être une dame patronnesse pour être choqué par le ton employé. Ami séropo, ne viens pas manifester contre la loi travail, économise-toi, car celle-ci ne te concerne pas vu que tu préfères ressasser ton mal-être au fond de ton lit. Le Sidaction voulait peut-être provoquer de l’empathie, mais le résultat stigmatise plus qu’il n’attendrit.
François, d’ailleurs, me le développera dans un de ses e-mails : « Les aspects psychologiques ou psychosociaux de cette infection peuvent être des facteurs de dépression, d’isolement, mais une grande partie des séropositifs et séropositives travaillent, ce qui constitue une avancée majeure par rapport aux années noires de l’épidémie en France ! Ce n’est plus le sida en tant que maladie ou infection qui pourrait empêcher quelqu’un de travailler. Un peu de nuance aurait été bienvenue. » De la nuance, mais aussi de la vérité, François, car, aujourd’hui, bon nombre de séropositifs témoignent d’une amélioration de leurs conditions de vie. Alors, pourquoi choisir de parler de sida, stade ultime de l’infection, à une heure où les messages d’espoir sont légion ?
Mais ce n’est pas le seul message du Sidaction 2016. Il y a aussi celui qui a raté son examen sans pour autant être « UN PETIT BRANLEUR » et celle qui n’a pas d’amis « PAS parce qu’elle est TROP CHIANTE » , mais à cause du sida. « Petit branleur » ?! Et pourquoi pas « chienlit révolutionnaire » qui passe sa Nuit debout, tant qu’on y est ! On a milité, battu le pavé, crié, hurlé, sifflé contre la discrimination des séropos, et cette campagne – qui présente le VIH comme un handicap majeur dans la réussite universitaire et la socialisation – nous ramène des années-lumière en arrière. Avec le sida, donc, on traîne au lit, on foire ses exams et on n’a pas de potes. Sidaction continue d’activer le levier de la peur pour récolter du cash sans se soucier de l’image désastreuse renvoyée au grand public.
François m’a aussi fait partager le témoignage de la dermatologue qui le suit depuis trente ans et qui souligne le changement d’époque. « Récemment, elle a reçu un jeune homme gay de 23 ans qui avait découvert depuis peu sa séropositivité. Pour elle, c’était une tragédie. Le jour de sa consultation à l’hôpital Saint-Louis, elle pensait recevoir un jeune homme dévasté. Au lieu de cela, le type