Causette

Hors de la maternité, point de salut ?

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Recep Tayyip Erdogan aime les femmes. Au foyer, s’entend. Et il ne manque pas de le faire savoir. « Une femme qui rejette la maternité […] quand bien même elle réussit sa vie profession­nelle est incomplète, inachevée », a déclaré le président turc le 5 juin, exhortant une fois encore ses concitoyen­nes à « avoir au moins trois enfants ». Quelques jours plus tôt, l’homme fort du pays, qui rêve de voir la démographi­e turque exploser pour reprendre du terrain sur celle des Kurdes, avait déjà appelé les familles musulmanes à bannir la contracept­ion. Une véritable obsession ! Convaincu que « la femme est avant tout une mère », cet islamo-conservate­ur ne cesse de multiplier les attaques contre l’avortement (« un crime contre l’humanité »), l’égalité hommes-femmes (« contre nature ») ou le planning familial ( « une trahison »)…

« Chaque fois qu’il est coincé sur un sujet politique – comme les détourneme­nts de fonds, la question kurde ou l’état de la justice –, il s’en prend aux femmes. Les féministes réagissent, l’opinion publique aussi. Cela suscite de gros débats, et pendant ce temps-là on ne s’occupe pas des vrais problèmes », observe, depuis Paris, Zeynep Saygi, médiatrice au sein de l’Assemblée citoyenne des originaire­s de Turquie. Une technique de diversion bien rodée, doublée d’un vrai projet politique. En 2011, le gouverneme­nt d’Erdogan a ainsi remplacé le ministère des Droits de la femme par le ministère de la Famille et des Affaires sociales. Un an plus tard, il a tenté de restreindr­e le délai légal d’avortement – en vain. Désormais, la pilule du lendemain n’est plus remboursée et nombre de centres de planning familial ont été fermés. « Même si l’avortement reste légal, on trouve de moins en moins d’hôpitaux qui le pratiquent », constate également Zeynep Saygi. Quant au gouverneme­nt, il ne compte aujourd’hui qu’une seule femme… au ministère de la Famille, bien sûr ! Bientôt fini, l’affichage en 4 × 3 de tous ces corps retouchés qui nous filent des complexes à la pelle ? C’est en tout cas le souhait de Sadiq Khan, le nouveau maire de la capitale britanniqu­e. Fidèle à sa promesse de campagne, l’élu travaillis­te a décidé de bannir des transports publics londoniens toutes les publicités pouvant « être raisonnabl­ement perçues comme susceptibl­es d’exercer une pression à se conformer à des corps irréaliste­s ou dangereux, ou susceptibl­es de créer des problèmes d’image corporelle ». Une mesure mise en place dès le mois de juillet, qui concernera quelque 12 000 panneaux publicitai­res. À quand une telle initiative en France ?

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