Causette

Sont-ils décomplexé­s ?

- Maëlys Peiteado

La nudité engendre bien des complexes. Pour certains, faire l’amour la lumière allumée est un calvaire. Pendant ce tempslà, d’autres choisissen­t de passer leurs vacances tout nus. Leur rapport à leur corps est-il pour autant plus simple ? Le naturisme, Alain, 55 ans aujourd’hui, est tombé dedans quand il était petit, mais les complexes ne l’ont pas épargné pour autant. À l’adolescenc­e, il a très mal vécu les changement­s radicaux de son corps, malgré ce rapport décomplexé à la nudité depuis son plus jeune âge. Ado, son entourage, naturiste jusqu’au bout des ongles, l’a poussé à s’assumer et à continuer à se dévêtir, au point presque de le « dégoûter » de la pratique. Cette expérience amère loin derrière lui, il vante aujourd’hui les bienfaits du naturisme sur la perception de son corps. « Plus j’avance, plus je m’en fous », soutient-il. Et puis, chez les naturistes, le regard porté sur l’autre n’est pas le même.

Colette, ex-soixante-huitarde qui le pratique depuis 1982, explique : « On voit les personnes nues, mais on ne les regarde pas. C’est très différent. Il y a vraiment cette notion de respect entre nous. » Selon eux, le naturisme met tout le monde sur un pied d’égalité, « à nu » pour ainsi dire, permettant de se rendre compte de qui on est réellement tout en faisant abstractio­n de ses défauts. « Je ne vous dis pas dans quelle tranquilli­té cela me permet d’évoluer. Ce sont tellement de contrainte­s en moins », poursuit Alain.

Encore faut-il franchir le cap. C’est ce qu’a fait Célia, « très brune et très complexée » par ses poils qui « menacent toujours de dépasser ». Un jour, sa fille de 6 ans lui demande de partir en vacances « dans un pays où les gens vivent nus comme Kirikou », explique-t‑elle. Elle propose alors un camp naturiste et, malgré les hurlements de son mari et de son fils de 8 ans, toute la joyeuse troupe saute le pas. En descendant de la voiture, son fils panique, sa fille l’encourage, et « on se met tous tout nus », raconte-t‑elle. « Pas si dur que ça, finalement ! Et presque instantané­ment, plus de problème de poils ! » Depuis, le mari de Célia, pas très à l’aise avec la nudité en général, est beaucoup plus détendu sur la question. Et Célia, elle, n’a plus peur des poils.

S’il y en a bien un autre que le naturisme a aidé à s’apprécier, c’est Guy. « Je ne suis plus complexé », peut-il enfin lancer, un sourire dans la voix. Converti au naturisme il y a huit ans, il revient de loin. « En voyant une photo de moi en maillot de bain en vacances, je me suis dit que je ne pouvais plus accepter mon corps tel qu’il était. » Une longue psychothér­apie, des vacances passées en tee-shirt sur la plage et un divorce plus tard, il se jette finalement à l’eau en se rendant dans un spa belge où la nudité est obligatoir­e. Son entrée nu comme un ver dans les thermes, il s’en souvient encore : « C’était comme un bol d’air frais dans mes poumons, mon corps s’est redressé et j’ai senti un poids s’en aller. » Une sensation qu’il constate chaque fois qu’il se dénude. « Je sais que mon corps n’est pas beau, mais je me suis rendu compte qu’il n’était pas pire qu’un autre. Aujourd’hui, ma vie est beaucoup moins superficie­lle », conclut-il, épanoui.

Colette aussi y va de son anecdote : une amie de sa fille ne supportait pas sa poitrine, qu’elle jugeait « monstrueus­e ». Un été, elle décide de suivre sa copine et Colette pendant un mois dans un camp naturiste. « C’est la première fois que l’on ne s’est pas moqué de moi », a- t‑elle déclaré à la fin du séjour, un peu réconcilié­e avec sa supposée monstruosi­té. La bienveilla­nce du regard de l’autre. L’indifféren­ce, même, peut s’avérer salutaire. Mais vivre nu ne met pas non plus totalement à l’abri des complexes. Selon Alain, passé le terrain naturiste, ils reviennent au galop. « Si je vais sur une plage “textile”, je me sens mal à l’aise parce que je sais que j’ai du bide, et dès lors, je sens le regard de l’autre », avoue-t‑il. Bon ben tous à poil, alors !

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