Causette

Pourquoi on n’y va pas

- Héloïse Ramb ert

Ah, ce nez en plein milieu de la figure, ces seins ridicules, ces lèvres trop fines… Quelle source de tourments ! Les injections, prothèses et bistouris devraient nous en débarrasse­r assez facilement, non ? Eh bien non. La plupart d’entre nous résistent à passer en salle d’op. Pour des raisons financière­s et par peur de la douleur, bien sûr. Un peu, aussi, par crainte du ratage. Mais pas que : « Ce sont des raisons superficie­lles, explique la psychanaly­ste Catherine Grangeard. Il existe des motifs beaucoup plus profonds à cette réticence : et si je me sentais toujours mal après ? Voilà, en substance, ce que nous dit notre petite voix intérieure. Car nous avons souvent un doute sur la capacité de la chirurgie à résoudre complèteme­nt nos problèmes. » Et si le souci n’était pas là où l’on croit, au fond ?

La voix des autres compte aussi beaucoup dans notre décision à pousser ou non la porte du cabinet : « Certaines personnes dans notre entourage ont un pouvoir de réassuranc­e et sont un vrai frein. Si le monde extérieur est clément, nous sommes confortés dans l’idée que nous n’avons pas besoin de nous faire opérer. C’est seulement s’il vient à faillir (chagrin d’amour, critiques constantes) que la sécurité intérieure vacille et que l’image de soi demande vraiment à être modifiée », poursuit la psychanaly­ste. Aussi disgracieu­x que nous le trouvions, le défaut peut être perçu comme un signe d’appartenan­ce. Renier le nez de Papa, gonfler les petits seins de Maman, ne serait-ce pas u n e trahison ? L’affection que nous portons à tout ce petit monde peut nous empêcher de passer à l’acte. « Se changer, c’est se démarquer et quitter le groupe. Si ce groupe on l’aime, on a peur qu’il nous en veuille », explique Catherine Grangeard.

Plus largement, la place ambiguë qu’occupent la chirurgie plastique et ses adeptes dans notre société joue un puissant rôle de repoussoir. Les « autres », celles qui ont cédé à l’appel du scalpel, sont souvent perçues comme soumises à la normalisat­ion des corps : « De ce groupe-là, bon nombre de femmes n’ont pas envie de faire partie. L’idée de se plier au diktat leur est insupporta­ble et les rend honteuses. » Passer à l’acte (chirurgica­l) serait, en somme, une forme d’échec face à la puissance de la norme.

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