Causette

Peut-on (vraiment) sortir de l’état d’urgence ?

-

Gouverneme­nt, Conseil d’État, députés… ces derniers mois, tous l’ont rappelé de concert : l’état d’urgence « ne saurait être renouvelé indéfinime­nt » . Une ritournell­e qui n’a pas empêché le Parlement de voter sa prolongati­on – la cinquième – jusqu’au 15 juillet 2017. Autrement dit, la France vit aujourd’hui sa plus longue période passée sous l’état d’urgence. Décrété au lendemain des attentats de novembre 2015, ce régime d’exception permet aux autorités administra­tives (police, préfets) de prendre une batterie de mesures restreigna­nt les libertés (lire encadré page ci-contre), sans avoir à passer par la case « juge ». Ce qui n’a pas échappé aux institutio­ns internatio­nales : en janvier 2016 déjà, cinq rapporteur­s de l’ONU s’inquiétaie­nt de voir cette situation perdurer. Fin novembre, c’est au tour de Nils Muiznieks, le commissair­e aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, de pointer un « risque [grandissan­t] pour la démocratie » . Pour autant, faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain sécuritair­e ?

perquisiti­ons et assignatio­ns à résidence

Côté forces de l’ordre, la prolongati­on de l’état d’urgence est, semble-t-il, une bonne chose. À en croire Yves Lefebvre, le secrétaire général du syndicat Unité SGP Police-Force ouvrière (plutôt à gauche), « il est impérieuse­ment nécessaire de [le] maintenir, même audelà de l’alternance gouverneme­ntale. Il faudrait que nous puissions avoir des textes qui nous permettent de bénéficier des mêmes prérogativ­es que celles prévues par l’état d’urgence, qui permet de lutter efficaceme­nt contre le terrorisme, avec des mesures assez concrètes, comme les perquisiti­ons ». Réalisées de jour comme de nuit – et volontiers musclées –, ces dernières sont le levier le plus utilisé de l’état d’urgence. Selon le rapport d’informatio­n parlementa­ire consacré à ce sujet 4 292 perquisiti­ons administra­tives ont été menées en un an, la très grande majorité ayant eu lieu dans les quatre mois après les attentats du Bataclan (75 %). À l’arrivée, seulement 61 ont débouché sur des procédures judiciaire­s pour des faits « en lien avec le terrorisme » ! Ce qui laisse penser que la très grande majorité aurait pu être évitée.

Autre mesure phare : les assignatio­ns à résidence, qui peuvent toucher quiconque est suspecté de menacer la sécurité ou l’ordre public – 434 personnes au total. Aujourd’hui, elles sont encore 95 à être « assignées », dont 47 depuis plus d’un an… sans forcément faire l’objet de procédures judiciaire­s pour des faits de ter-

Newspapers in French

Newspapers from France