Les mots de l’experte
Trois questions à Ariane Pailhé, chercheuse spécialiste de l’économie de la famille et du genre à l’Ined *.
Causette : Comment expliquer le succès de la BD d’Emma ?
Ariane Pailhé : Elle a réussi à populariser un concept manié par les sociologues depuis les années 1980 en disant les choses simplement et via un média accessible à tous. En mettant l’accent sur la charge mentale, autrement dit le poids de la gestion de la petite entreprise familiale, elle renouvelle le discours sur l’inégale répartition des tâches ménagères et parentales dans le couple.
Où en est-on ?
A. P. : Les femmes continuent de faire plus de 60 % des tâches domestiques, contre 70 % dans les années 1980. Elles lâchent un peu prise, mais les hommes n’en font pas plus. En revanche, l’investissement des hommes et des femmes dans les tâches parentales progresse, signe d’une évolution des pratiques éducatives. Il y a bien un phénomène, même limité, de « nouveau père ». Mais les jeunes couples ne sont pas beaucoup plus précurseurs que leurs aînés. Les normes sociales sont puissantes...
Comment progresser plus vite ?
A. P. : Des politiques publiques peuvent aider à sortir de ces schémas, mais encore faut-il accepter qu’elles aient un rôle dans la sphère privée. Il est ainsi possible de travailler dès l’enfance sur les représentations du genre. L’ABCD de l’égalité fut une tentative en la matière, mais dut être abandonné devant la polémique développée par la Manif pour tous. Le congé paternité est une autre solution. En Allemagne, les études ont prouvé que ce congé, correctement indemnisé et pris à un autre moment que celui de la mère, a un effet très positif sur l’implication du père dans le foyer. U I. D.
* Institut national d’études démographiques.