Les sorties cinéma
Elle fêtera ses 90 ans l’an prochain, mais rien ne presse ! Pour l’heure, la pimpante Agnès Varda rentre du Festival de Cannes où elle a présenté son nouveau film, Visages, Villages, en sélection officielle. Un documentaire d’une merveilleuse liberté, coréalisé avec JR, champion du collage photographique, et qui sort en salles fin juin. L’occasion ou jamais de revenir sur le parcours de cette icône infatigable du 7e art. Via cinq arrêts sur images. Car Varda, c’est quand même ça…
Cléo de 5 à 7 (1962)
C’est peut-être son film le plus célèbre. Il lui collera à jamais l’étiquette de « seule femme réalisatrice de la Nouvelle Vague », même si, dès 1955, elle témoignait déjà d’une liberté formelle inédite dans La Pointe courte. Donc bien avant ces brillants jeunes gens ! En tout cas, Cléo de 5 à 7 confirme, dès 1962, la place singulière d’Agnès Varda dans le cinéma français. L’histoire en temps réel, entre 17 heures et 18 h 30 à Paris, des déambulations (fictives) de Cléo, jeune comédienne en attente de résultats d’examens médicaux. Une balade d’une modernité toujours aussi éclatante dans le Paris des années 1960.
Sans toit ni loi (1985)
Lui non plus n’a pas pris une ride. Pour beaucoup de fans de l’éclectique Varda, il fait même figure de chef-d’oeuvre. Cette cinéaste farouchement indépendante (elle crée sa propre société de production dès 1954) filme ici une marginale. Ou plutôt les deux derniers mois d’une vagabonde et révèle par la même occasion Sandrine Bonnaire, à peine 18 ans, extraordinaire d’opacité, au cinéma français. Mélangeant réel et fiction, façon puzzle, Sans toit ni loi ne juge ni ne cherche à tout expliquer. Un film coup de poing, âpre, tragique et joyeux, résolument tourné vers l’autre. Lion d’or à la Mostra de Venise en 1985.
Jacquot de Nantes (1991)
L’autre, parlons-en ! C’est la deuxième obsession de « la » Varda, outre ses recherches formelles. Dans Jacquot de Nantes, la cinéaste retrace, jusqu’à ce que la mort les sépare (en 1990), l’enfance enchantée de son mari et alter ego Jacques Demy, rencontré en 1958. Dame Agnès a souvent invité ses proches (Alain Resnais, Jean-Luc Godard, Jim Morrison, Jane Birkin…) dans ses ouvrages, courts ou longs. Voire sa famille (sa fille Rosalie, son fils Mathieu). Jacquot de Nantes, sur Demy l’enchanteur, est sans conteste son film le plus bouleversant.
Les Glaneurs et la Glaneuse (2000)
Armée d’une petite caméra DV (Digital Video), sillonnant la France à la recherche d’objets délaissés, déchets et autres rebuts de notre société de consommation, Agnès la curieuse, écolo avant l’heure, dresse ici une série de portraits à hauteur d’hommes et de femmes. Très attachants. Un documentaire qui, en creux, parle d’elle, mine de rien. Belle élégance d’une cinéaste hantée par la proximité. Et le temps qui passe (elle a alors 72 ans).
Visages, Villages (2017)
La preuve avec cette ultime proposition. Facétieuse à bien des niveaux, déjà parce qu’elle lui permet de coréaliser un film pour la première fois de sa vie à 88 ans ! Toujours l’idée du lien et peut-être, désormais, de la transmission (elle voit moins bien). C’est donc au côté du fringant JR, dans son camion photographique, que l’alerte octogénaire (qui fut une grande photographe à ses tout débuts) a entrepris ce parcours aléatoire dans la « France des villages ». Voyages, images, collages, partages : voilà ce qui les réunit, au-delà de leur différence d’âge. Merveilleux d’espièglerie, Visages, Villages enchaîne ses séquences telle une charade visuelle, chaque halte brassant de nouvelles rencontres, de nouvelles installations et de nouvelles émotions. L’idée étant de rappeler que rien n’est plus important que l’instant présent et l’amitié. Surtout quand l’art permet de les faire durer…