Sexe, cathos et vidéo
« Je suis seul. La solitude, c’est comme les cours. C’est sympa au début, mais ensuite, c’est toujours trop long », dit un jeune homme, la voix pleine de spleen. Ainsi débute la Websérie Manon, Alex et les autres…, disponible sur YouTube et produite pour le compte des Associations familiales catholiques (AFC). En sept épisodes « conçus par des éducateurs à la vie, des conseillères conjugales et familiales, un médecin » et réalisés par des étudiants en communication d’Angers (Maine-et-Loire), cette Websérie messianique se veut être un outil d’ « éducation affective et sexuelle » pour les ados. La prouesse stylistique – car c’en est une – consistant à se la jouer avec les grands mots d’éducation sexuelle sans jamais aborder la question de la contraception. L’épisode « Nous dormirons ensemble », le plus « hot » de l’affaire, parle, lui, du porno en des termes à glacer l’échine d’un catéchumène : « Le porno, c’est un poison. Quand on commence, ça ne vous lâche plus. »
Invitées à la soirée de lancement du projet dans un bar parisien une fin d’aprèsmidi d’octobre, nous nous y sommes rendues guillerettes pour tenter de percer le message global de ces vidéos destinées à être diffusées chez les Scouts unitaires de France et dans des écoles privées. « L’enjeu est que les ados puissent aussi entendre que se sentir seul, c’est aussi une manière de se rencontrer soi-même et de choisir librement ce que je suis moi », a expliqué une dame très enjouée. Entre les lignes, les AFC recommandent aux jeunes d’attendre la bonne personne, « à contre-courant de la pensée unique des plans culs » . Quand on a fait remarquer que, peut-être, les échecs amoureux permettaient eux aussi de construire ce fameux « moi », on s’est vu rétorquer par le président de la fédération des AFC européennes, Antoine Renard, un lugubre : « C’est dur ce que vous dites. Comme si on ne se construisait que par l’échec ! C’est comme si vous me disiez que pour apprendre à nager il fallait se noyer. » Pleines de culpabilité judéo-chrétienne après ce sermon, on s’est autoflagellées sur le chemin du retour en se disant que, décidément, les voies du Seigneur sont impénétrables.