L’image manquante
Carré 35, le documentaire très personnel du comédien Éric Caravaca est bouleversant. En dévoilant un secret de famille, il explore en effet un sentiment universel : la honte. Et se révèle grand cinéaste. Notre coup de coeur du mois.
Un lieu oublié
« Carré 35 est un lieu qui n’a jamais été nommé dans ma famille ; c’est là qu’est enterrée ma soeur aînée, morte à l’âge de 3 ans. Cette soeur dont on ne m’a rien dit ou presque et dont mes parents n’avaient curieusement gardé aucune photographie », explique Éric Caravaca en préambule. Voilà pourquoi, au départ, ce jeune quinqua s’est lancé dans un documentaire à la première personne. Pour conjurer les fantômes. Et pour redonner à Christine, qu’il n’a pas connue, « la vie qu’elle n’a pas eue et la vie qui lui avait été enlevée une deuxième fois en la niant » .
Une mémoire déterrée
Même s’il s’agit d’une enquête – passionnante – entre la France, le Maroc et l’Algérie, l’idée n’est pas de jouer avec les codes du suspense pour autant. Assez vite, on nous dévoile l’origine du déni : Christine était une enfant trisomique. Un secret qui, lentement, pudiquement, débouche sur une autre révélation : la petite fille est décédée à Casablanca, loin de ses parents. Cette fois, on est au coeur de ce film poignant…
Une réconciliation possible
De fait, l’histoire intime d’Éric Caravaca se mêle inextricablement à l’histoire collective : celle de la colonisation du Maghreb, également jalonnée de violences, de disparitions, d’autocensures et de tabous. Une mise en parallèle d’autant plus puissante que le cinéaste opte in fine pour une image de réconciliation. On ne vous dira rien de plus, juste que la scène est filmée en super-8, reliant passé et présent. Et que c’est beau à chialer.
U Ariane Allard
Carré 35, d’Éric Caravaca. Sortie le 1er novembre.