2008, année ovocyte ?
PMA. Trois lettres qui valent déclaration de guerre. Les militant·es de la Manif pour tous y sont prêt·es, convaincu·es qu’une famille c’est forcément un papa, une maman et des enfants, tous né·es par la grâce de Dieu. En face, les associations LGBT attendent aussi Macron au tournant. Le candidat avait câliné les un·es « humilié·es lors du mariage pour tous » et promis aux autres l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes. Depuis, prudence. Le président fait dire par le sémillant Gérard Collomb, pressé de calmer les emballements de Marlène Schiappa qui annonçait une loi pour 2018, que l’urgence est ailleurs : « Je proposerai que l’on puisse résoudre le problème du chômage avant de s’attaquer aux problèmes civilisationnels », explique le ministre au micro de RTL. Bien, bien…
Il va pourtant falloir s’y coller. 2018, c’est l’année de révision des lois de bioéthique, qui réglementent entre autres la procréation médicalement assistée. En ce début d’année, faisons le voeu, radicalement non pieux, que le président tiendra le calendrier. Et ses promesses par la même occasion. Oui, la procréation médicalement assistée enflamme les esprits, tout comme la gestation pour autrui (GPA) et pas seulement dans les rangs de la droite conservatrice, obsédée par l’homoparentalité. Dès qu’on parle de famille, chacun met son grain de sel. Si vous avez raté le coche pour le réveillon, faites le test pour la galette : ça bastonne même entre militant·es de gauche, libéraux, écolos… Au XXIe siècle, concevoir des embryons en laboratoire reste tabou.
Pendant qu’on s’écharpe sur « qui a le droit de faire des enfants dans notre belle France ? » – célibataires, homosexuel·les, veuves –, l’assistance médicale à la procréation (AMP, les médecins ne disent plus PMA depuis 2010) bat son plein. En France, un couple sur six consulte pour comprendre pourquoi leur bébé n’arrive pas. Toujours plus de patientes, toujours plus de FIV (fécondations in vitro) : 91 088 en 2015 pour 24 839 enfants nés (sur 800 000 naissances en moyenne)*. Pourtant, nos spécialistes de l’infertilité dépriment. Pourquoi ? « Chez nous, la recherche sur l’embryon est bloquée. Les techniques innovantes sont connues, mais interdites ou à usage très restreint », dénonce le professeur René Frydman. La France est snobée dans les colloques internationaux, elle n’a rien à apporter, ligotée par le spectre des « bébés OGM ». Un comble pour un pays qui avait réussi à faire naître Amandine en 1982, le deuxième bébé-éprouvette au monde, juste après la naissance de Louise Brown (1978) en Grande-Bretagne. De tête chercheuse, la France est rétrogradée élève très faible.
En hausse constante également : la demande de don d’ovocytes, solution pour ovaires défaillants. Certes, 78 % des mères le deviennent avant 35 ans, selon l’Insee. Mais, en 2015, l’âge moyen de la femme ayant un premier enfant atteint 28 ans et demi. C’est tard. Sachant que les ovaires ralentissent dès 35 ans, la fenêtre de tir est étroite. Encore faut-il avoir le bon partenaire à ses côtés. Et la réserve d’ovocytes en France est bien faible. Résultat : le « blocage français » occasionne des files d’attente dans des pays européens plus pragmatiques, qui voient tantôt la reproduction comme un marché très lucratif, tantôt comme une médecine de pointe qui peut aider à réaliser le rêve de natalité de certain·es. On estime que 10 000 couples partent chaque année à l’étranger pour trouver des solutions à leurs problèmes d’infertilité.
En juin dernier, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), cette assemblée de sages censée éclairer le législateur, s’est déclaré favorable à l’ouverture de la PMA aux lesbiennes et aux femmes seules. Une « minirévolution : la demande sociale est enfin prise en compte, estime la sociologue Dominique Mehl, c’est un changement de paradigme et une reconnaissance de tous les types de parentés ». Les sages ont passé outre l’argument massue des anti : l’absence de figure paternelle. Ça partait bien, puis ils ont calé sur cette autre demande d’AMP sociétale : la préservation de la fertilité par la congélation des ovocytes, estimée « difficile à défendre ». Bizarre, n’importe quel homme peut faire congeler son sperme avec une simple ordonnance. Leur crainte ? Pousser les femmes à la « procrastination procréative », expression courante à droite comme à gauche, et qui rappelle les « avortements de confort » et les « césariennes de complaisance ». Le « paternalisme médical », tacle la gynécologue Joëlle Belaïsch-Allart, reste à l’évidence bien gaillard. L’avis du CCNE n’est que consultatif. Tout peut encore bouger. Puisque le président a érigé « l’égalité femmes-hommes » comme la grande cause nationale de son quinquennat, allons-y. Actualisons dès maintenant ce vieux slogan : « Un bébé si je veux, quand je veux ! »