DANS LA BOÎTE
Bonjour à toutes et à tous (y a-t-il des hommes à la rédaction de Causette, d’ailleurs ?) ! Je me permets de vous écrire à la suite du courrier de Bertrand au sujet de l’écriture inclusive et de ses contraintes, publié dans le dernier numéro [Causette # 85]. En tant qu’orthophoniste et donc spécialiste des troubles du langage écrit, ses remarques ont réussi à me faire franchir le pas qui consiste à vous écrire. Laissez-moi vous expliquer comment on lit/écrit… Il existe deux voies de lecture : la voie par assemblage, qui consiste à déchiffrer (le B-A qui fait BA), et la voie par adressage, qui permet de reconnaître les mots qui sont stockés dans notre lexique interne. Ces deux voies sont complémentaires. Au début de l’apprentissage de la lecture, nous utilisons majoritairement la première, puis au fur et à mesure de l’engrangement du lexique interne, nous passons à la seconde, ce qui accroît notre vitesse en lecture. Un lecteur sans trouble utilisera donc davantage la voie d’adressage ( ou directe), mais aura besoin de sa voie d’assemblage pour les mots nouveaux. Pour les dyslexiques-dysorthographiques, l’une ou les deux voies de lecture va/ vont être perturbée(s) par un/des troubles sous-jacent(s). Si le lecteur est capable au fur et à mesure d’engranger des mots nouveaux dans son lexique orthographique, je ne vois pas pourquoi il ne saura pas intégrer aussi les points médiants de l’écriture inclusive. Je concède qu’au début on bute dessus (comme à chaque fois qu’on utilise sa voie d’assemblage, rappelez-vous, le nom du volcan islandais qui a fait irruption il y a quelques années), mais ce n’est que temporaire, comme tout nouveau mot. En ce qui concerne mes petits patients dys, je ne pense pas que l’écriture inclusive accentuera leurs difficultés ; à moi d’intégrer ces subtilités dans mes objectifs de remédiation. Et si c’est clair à l’oral pour elles ou pour eux, il n’y a pas de raison que ça ne le soit pas à l’écrit. Ce sera ma conclusion : si on veut que l’écriture inclusive fonctionne, il faudrait déjà passer par l’inclusion de ces notions dans le langage oral quotidien ! Bon courage à toute la rédaction, longue vie à Causette ! PS : Causette trône dans ma salle d’attente, je ne compte pas les mamans converties et les papas jetant l’exemplaire de peur que je ne les surprenne en pleine lecture féministe lorsque je leur rends leur progéniture !
Chère Aurélie, mille mercis pour cette réponse à la réponse, qui montre à quel point l’écriture inclusive suscite passions et débats. À suivre, donc. PS : Vous nous avez fait bien rire avec vos papas féministes en scred ;) ! C.