J’ai mâle à mon art Là où y a de la gêne,
Le tableau est quelque peu brouillon. Ici, un acteur effacé d’un film déjà tourné car visé par des affaires d’agressions sexuelles : Kevin Spacey n’a plus droit de cité à Hollywood. Là, une rétrospective Polanski organisée à la Cinémathèque française et ouverte en présence du cinéaste déclenche des manifestations de militantes féministes choquées d’un tel hommage alors que l’homme est accusé par cinq femmes d’agressions sexuelles sur mineures. À la suite de quoi l’institution culturelle préfère reporter la rétrospective cette fois-ci consacrée au réalisateur Jean- Claude Brisseau, condamné à deux reprises pour harcèlement et agression sexuelles sur des actrices. Au Metropolitan Museum of Art de New York, Thérèse rêvant, tableau peint en 1938 par le Français Balthus, fait tout à coup l’objet d’une pétition exigeant son décrochage au motif que l’oeuvre « romance la sexualisation de l’enfant » . Le musée s’y refuse. Encore plus récemment, quand l’opéra de Florence, en Italie, propose une version revisitée et « après-Weinstein » de Carmen dans laquelle l’héroïne dramatique est épargnée et son meurtrier sacrifié, on crie à l’hérésie. À Pantin, en banlieue parisienne, la réalisatrice Brigitte Sy est déprogrammée d’un cycle de projections autour du genre initié par un collectif féministe, visiblement parce qu’elle s’est associée au texte sur la « liberté d’importuner » paru dans Le Monde. À Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), le chanteur Bertrand Cantat se voit exclu du festival estival Les Escales, sur les conseils du maire David Samzun jugeant que ce choix n’est pas opportun. Ce dernier s’en explique dans une lettre au président de l’association organisant l’événement dans laquelle on lit en substance ceci : « J’ai toujours veillé à laisser les programmateurs d’événements libres de leurs choix artistiques […]. C’est la liberté de la création, de l’expérimentation qui sont des piliers essentiels pour favoriser l’ouverture aux autres […]. » Autrement dit, nous sommes en démocratie. « Je suis très respectueux de notre système judiciaire et attaché à ce que les personnes condamnées et ayant exécuté leur peine retrouvent pleinement la vie de la cité. » Sur le cas Cantat, la justice a fait son travail. Mais… Il y a un « mais » . Le maire se dit aussi « attaché au maintien de la paix civile ». « Je le suis d’autant plus dans un contexte qui montre, si besoin était, le long chemin qui reste à parcourir pour protéger les droits des femmes et parfois, tout simplement, leur vie et leur sécurité. » David Samzun écrit qu’il laisse in fine les organisateurs libres de leur choix, mais en ayant conscience de sa « totale désapprobation » .
Tout est dit, ou presque : la liberté d’expression est supposée totale dans le respect de la loi républicaine et, en même temps, le contexte a son importance, donc les institutions culturelles ne devraient pas rester sourdes aux tensions et débats qui agitent la société. N’y a-t-il pas là une contradiction ? Comment la dépasser ? En acceptant le dialogue ? « Il est actuellement très difficile de