“À Lille, on vivait tous ensemble”
Christine Blum-Reboul, 72 ans, sociologue, membre d’Attac.
« C’est en entendant les violences du Quartier latin sur mon transistor que j’ai pris mon Solex pour aller devant la fac de Lille [Nord], pour informer les arrivants. La décision de blocage a été immédiate. Dans mon milieu, filles ou garçons, il y avait une reconnaissance mutuelle, comme individu, des qualités de chacun. On intervenait avant les cours dans les amphis avec l’accord des profs. On vivait tous ensemble et dans cette vie communautaire, les rapports étaient assez asexués. Après, c’est vrai que quelques hommes prenaient plus la parole et cassaient les pieds à tout le monde. Les conflits de pouvoir les concernaient davantage. On ne se battait pas pour ça. C’était des fous, ces mecs, ils étaient vachement violents. On ne s’identifiait pas du tout à eux. Être en tête de manif, ce n’était pas notre truc. Pourtant, on était très actives en 1968. Cohn-Bendit, pour nous, c’était un petit con. Il m’appelait la “fleur bleue des pavés”. Si tu ne couchais pas avec des types comme ça, c’est que tu n’étais pas libérée. Là, il y a eu du sexisme. La libération sexuelle, c’est un mythe inventé par une toute petite poignée de garçons, qu’on appellerait aujourd’hui des harceleurs, des connards, et qui se disaient que c’était une belle aubaine. On n’avait pas beaucoup d’admiration pour ces types narcissiques qui avaient un rapport aux femmes très suspect. »