UN HOMME, UN VRAI
Je me suis bien amusé en lisant votre dossier sur la drague chez les féministes (autant demander à des bonnes soeurs de commenter le Kama-sutra !). J’aurais bien aimé me faire draguer par une militante une fois dans ma vie, mais ça n’est jamais arrivé. C’est comme les Témoins de Jéhovah, elles doivent sentir que leur truc ne marche pas sur moi. En tout cas, j’ai trouvé fort croustillant de lire ce que « vous, les femmes » – puisque vous semblez avoir reçu l’autorisation de parler en leur nom – pouvez bien trouver comme excuses bidon quand il s’agit de drague. Car, croyez-en ma longue expérience, ce que font la plupart des femmes lorsqu’elles doivent prendre l’initiative est simple : rien du tout ! Elles restent à se tortiller sur leur siège en mâchonnant leur paille dans l’espoir qu’un homme, un vrai dans mon genre, vienne leur adresser la parole. Si cela arrive, elles prennent immédiatement un air superbement détaché et tentent d’évaluer le niveau de prestige social de leur interlocuteur, guettant la moindre erreur de sa part, forcément fatale. Si jamais il n’a pas l’heur de plaire, mais a l’outrecuidance de persévérer, il est rangé dans la catégorie « relou » ; à la suite de quoi elles retournent vers leurs copines en levant les yeux au ciel avec une moue exaspérée. Je l’ai vécu cent fois et n’en conçois nulle honte : un homme qui n’a pas à son actif une large collection de vestes et d’outils de jardinage n’en est pas un vrai. « Balancer » les dragueurs, c’est facile. Quand il s’agit de se jeter à l’eau pour l’abordage de l’autre sexe, en revanche, on fait moins sa diva et on découvre avec effroi qu’il faut du courage, une grande maîtrise de soi, de la créativité, du tact, un sacré sens de la répartie et beaucoup d’humilité car, même pour un séducteur « super premium » comme moi, le taux marginal d’horizontalisation dépasse rarement les 30 %. Alors c’est sûr, il est plus facile de rester assise à se plaindre des importuns que d’aller au contact. En tout cas, dans les pays – froids – qui ont eu l’idée amusante d’appliquer les préconisations féministes en termes de séduction, les résultats sont sans appel : la drague a disparu, purement et simplement. Et dans tous les cafés qui respiraient autrefois le charme, l’élégance et la fleurette, des célibataires végétariens pâles et tatoués s’ennuient désormais copieusement devant leur « laptop », en se repassant mentalement les excellentes raisons qu’ils ont de ne pas aborder celles et ceux qui leur plaisent. Les irréductibles séducteurs dont je suis s’en réjouissent : grâce à vos idées, la concurrence s’autoélimine et le champ se libère. Et, à la fin, comme on dit dans les affaires, « le gagnant prend tout ».
Bien à vous, Éric, un homme, un vrai.