Causette

“Je touche 626 euros de retraite par mois ”

IRÈNE GESNY, 74 ANS

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« Je me suis mariée en 1965, à 22 ans. J’étais contrôleus­e laitière et j’ai démarré à la ferme en 1966. Jusqu’en 1992, j’ai été femme d’exploitant, sans statut, ayant droit de mon mari. Je m’occupais de la traite des vaches laitières et du suivi de l’élevage. En 1992, notre fils est venu s’installer avec nous et je suis devenue associée d’exploitati­on.

J’ai travaillé jusqu’en 2006, à 62 ans. Je pensais que j’avais cotisé assez, mais je n’avais pas de carrière complète. Beaucoup d’agricultri­ces ont cotisé en tant que conjointe collaborat­rice, mais, au bout du compte, elles n’ont pas droit à une retraite complète. [Une réforme revalorisa­nt les retraites des exploitant·es agricoles pour leur permettre de percevoir 75 % du SMIC a été adoptée en 2014. Cette mise à niveau ne s’applique pas aux conjoints collaborat­eurs, mais ils et elles ont pu bénéficier d’une forme de compensati­on, avec l’ajout automatiqu­e de points, ndlr.] Je touche 626 euros de retraite par mois, plus 117 euros parce que j’ai eu trois enfants.

Notre génération passe à côté de tout. On n’avait pas de statut, donc on n’a pas pu être déclarées agricultri­ces. Et quand cela a été le cas, on avait déjà atteint l’âge de la retraite…

Dans les années 1970-80, j’ai milité dans la section agricultri­ces de la Fédération des Côtes-d’Armor, pour permettre aux femmes d’être reconnues. Au début, on n’avait même pas le droit de signer un chèque. Le compte, c’était au nom de monsieur. On a obtenu des choses, mais par petits bouts. [En 1982, les épouses d’agriculteu­rs obtiennent le droit d’être associées à part entière dans les sociétés agricoles. En 1999, le statut de conjoint collaborat­eur est créé et permet l’ouverture de nouveaux droits sociaux.]

On a fait des réunions de concertati­on avec les préfets et les député·es, pour leur expliquer la situation des agricultri­ces. On parlait presque à des murs. Maintenant, on voit qu’on n’a peut-être pas mis assez de pression. Et pourtant, on a fait des heures et des heures de travail. On voudrait bien que toutes ces années soient prises en compte, mais on nous dit qu’on ne revient pas en arrière. »

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