“Je trouve dommage de s’interdire d’avoir des enfants ”
JULIE ABBE, 30 ANS
« Je ne suis pas issue du milieu agricole, j’ai d’abord fait des études de coiffure. Je suis arrivée sur l’exploitation en 2013 pour travailler avec Ronan, mon mari, dans l’élevage de porcs. Je suis devenue cheffe d’exploitation en 2015, quand j’ai créé mon atelier volailles. Nous avons deux enfants de 4 ans et 14 mois.
Pour mes deux grossesses, j’ai été malade. À chaque fois, j’ai pris les huit semaines de congé maternité avant la naissance et les dix après car, physiquement, ce n’était pas possible. On est toujours passé par le service de remplacement, mais ça a un prix. [L’allocation de remplacement de maternité des agricultrices a été créée en 1977. De quelques heures, elle a été alignée sur le congé maternité des salariées, en 2008. Le service prend en charge les frais occasionnés par le remplacement dans les travaux agricoles, hors contributions sociales. 55 % des femmes y ont eu recours en 2010.] La deuxième grossesse, par exemple, nous a coûté à peu près 1 600 euros de reste à charge et 4 000 euros d’avance de TVA. Toutes les exploitantes ne prennent pas le congé, car il a un coût. Il faut avoir de la trésorerie d’avance.
On n’est pas certain, non plus, que la personne qui nous remplacera sera compétente. Le service a commencé par nous envoyer un remplaçant laitier, avant de trouver quelqu’un pour les porcs. Pour la volaille, il n’y avait personne, donc on a fait remplacer mon mari pour qu’il s’occupe de mon atelier. Il y a un vrai manque de main-d’oeuvre en agriculture.
L’exploitation ne s’arrête pas le vendredi soir. Il faut gérer le week-end. On n’a jamais la tête complètement arrêtée. Pour mon deuxième enfant, le vendredi, j’accouchais, et le dimanche, je vidais le poulailler.
Nous n’avons pas vraiment les mêmes droits que les salariées. Je trouve dommage de s’interdire d’avoir des enfants parce qu’on sait que ça va être la panade. »