Disruption
Chaque mois, Causette vous fait découvrir un nouveau mot, petit ou gros, pour mieux nommer le monde qui nous entoure.
En économie, la disruption (du latin disrumpere, rompre) désigne le bouleversement d’un marché grâce à une nouvelle stratégie, généralement conçue par des geeks en tee-shirt. Plus précisément, c’est lorsque le grand public bénéficie d’un accès massif et simple à des produits ou à des services auparavant peu accessibles ou coûteux.
Les vols low-cost, Uber ou Airbnb sont des exemples de disruption : des services qui existaient déjà (billets d’avion, courses en taxi ou chambres d’hôte) désormais proposés au grand public sous une forme nouvelle.
Le mot connaît un immense succès depuis qu’Emmanuel Macron en a fait l’un de ses concepts fétiches : « L’innovation et la disruption font partie de notre paysage et de notre futur. » (2015). Lors d’un récent entretien au magazine Forbes, le « leader des libres marchés 1 » a réussi à placer le terme six fois en vingt minutes !
Parler de disruption à tout bout de champ est donc en soi assez… disruptif : c’est une façon habile de faire du neuf avec de l’ancien, en remettant au goût du jour les vieux discours néolibéraux de flexibilité et de dérégulation en prétendant qu’« il n’y a pas d’autre alternative 2 ». Il faut donc bouger sans cesse sous peine de se faire… « disrupter », comme les taxis ou les hôtels.
La disruption, c’est donc une façon chic et branchée de prévenir qu’on va faire exactement les mêmes choses qu’avant, mais d’une nouvelle manière, ce que la façon de gouverner ou les idées économiques à l’ancienne d’Emmanuel Macron montrent assez clairement.
Quant au philosophe de l’innovation Bernard Stiegler, il affirme que la disruption est une « barbarie soft 3 » . Elle finit par installer un immense sentiment d’impuissance qui rend fou.