Périnée is the new clito !
Le clito est enfin sorti du placard. Mais qu’en est-il du périnée ? Méconnu et peu médiatisé, en dehors de l’accouchement, cette paroi pelvienne a pourtant de nombreuses vertus. Mieux, se l’approprier peut être une source de plaisir et de puissance. Qu’est-ce qu’on attend ?
En termes de destinée, on pourrait dire que le périnée – aussi appelé « plancher pelvien » –, c’est un peu le nouveau clito. Puissant, essentiel même, et toutefois mal documenté, invisibilisé. Mais alors que l’organe du plaisir féminin a fait sa révolution dans les pages des magazines, le périnée, lui, est plutôt ignoré. Ses occurrences médiatiques tournent principalement autour du thème de la satisfaction du partenaire (en gros, on nous invite à tonifier notre vagin pour le rendre accro) ou de la période post-accouchement avec la rééducation périnéale, moment où de nombreuses femmes découvrent qu’elles en ont un. C’est ce qui est arrivé à Alice, trentenaire parisienne et mère d’un garçon. « Je me suis rendu compte que je contractais mon périnée dans mes rapports sexuels sans savoir ce que c’était. Je me disais juste que je “serrais la chatte”. Après avoir accouché, avec une kiné, j’ai découvert que je pouvais le faire remonter comme un ascenseur. Du coup, j’ai un périnée très musclé ! » raconte-t-elle.
Pour une sexualité épanouie
Cet ensemble de muscles, de tissus et de ligaments, qu’on peut se figurer sous la forme d’un hamac fermant le bassin et tendu entre le pubis et le coccyx, possède des fonctions non négligeables. En plus de jouer un rôle dans la continence urinaire et anale, empêchant les fuites, il « soutient » nos organes et peut s’avérer très utile à une sexualité épanouie. « Par la contraction d’un de ses muscles, le périnée va “remonter” dans le bassin, amenant plus de sensations au niveau du vagin et du clitoris », détaille la kinésithérapeute Annabelle Salvi-Chaïdakis. « En effet, les “bras” de ce dernier descendent le long des lèvres entourant
l’entrée du vagin, et l’action de la contraction du périnée va ainsi les “réveiller” », poursuit-elle. Selon les recherches sur le sujet, les branches internes du clitoris intriquées dans le périnée seraient ainsi davantage stimulées lors d’une pénétration par un pénis ou un sex-toy. Un ressenti auquel s’ajoute la sensation d’enserrer l’autre (ou l’objet). Pour peu que l’on s’y exerce, même si cela ne doit pas devenir une nouvelle injonction au vagin-toniqueà-tout-prix, on peut donc décupler son plaisir sexuel et celui de son amant en jouant avec cette partie-là de soi.
Problème : de la même manière qu’on ne leur apprend pas à serrer le poing ni à cultiver un corps « fort » – qu’elles doivent plutôt avoir « beau » –, personne n’apprend aux femmes qu’elles ont cette musculature entre les jambes. Marine Périn, youtubeuse qui évoque le sujet des muscles féminins sur sa chaîne MarinetteFemmes et féminisme, a même découvert que des exercices sportifs comme certains abdos sont uniquement adaptés aux corps masculins et bousillent les périnées féminins. Lors de séances de rééducation périnéale avec une sage-femme, elle a réalisé qu’en prenant conscience de cet endroit et en s’entraînant « comme pour une séance de muscu », elle pouvait même « dessiner des fleurs et des coeurs » avec son périnée ! « La précision du ressenti te donne une maîtrise incroyable de ton corps, dit-elle. Dans la sexualité, tu as l’impression d’avoir plus de contrôle sur ton plaisir, même si ça demande un effort de concentration. On peut imaginer qu’avec le périnée les femmes peuvent se mener elles-mêmes à l’orgasme. » Mathilde, 23 ans et déjà pas mal d’exercices périnéaux à son actif, abonde : « Tout à coup, ce n’est plus une zone inanimée. Tu peux serrer et desserrer, être sur le dos et ne pas avoir l’impression de faire l’étoile de mer. » Ellemême a découvert le périnée dans un magazine et s’entraînait à le contracter en cours de maths au lycée, avant de poursuivre l’exploration dans le yoga.
Mépris médical
Si le périnée est si magique, pourquoi en entend-on si peu parler ? Selon la docteure féministe et fondatrice de l’association belge Femmes et Santé, Catherine Markstein, la méconnaissance de cette zone s’explique en partie par le tabou autour du plaisir féminin, auquel s’ajoute un certain mépris médical. « C’est un endroit très violenté par les médecins, sur lequel ils pratiquent des épisiotomies. Même l’idée de “rééducation” pose problème et renvoie à une notion de contrôle. Il y a l’idée qu’il faut continuer à donner du plaisir aux hommes avec son vagin après avoir accouché, et aussi que le corps doit être “rééduqué” pour la procréation, en vue d’accueillir un nouveau bébé. On n’a pas assez prêté attention aux possibilités de cet endroit » , déplore-t-elle. « Je pense que la méconnaissance du périnée est liée à une dépossession du pouvoir du corps des femmes et de leur sexe. Car c’est bien une forme de pouvoir – c’est excitant pour soi et pour l’autre, sans toucher à rien. On se sent assez puissante quand on s’en sert », dit Renée Greusard, journaliste spécialiste des sujets de sexualité et auteure du livre Enceinte tout est possible (éd. JC Lattès, 2016).
La sage-femme Anna Roy, auteure d’On en parle de mon périnée ? (éd. Leduc.s, 2018), est même convaincue qu’au vu de son rôle dans la santé et le confort des femmes, ce dernier devrait être abordé dans les cours d’éducation sexuelle et faire l’objet d’examens réguliers tout au long de la vie. « Le Collège national des sages-femmes a relayé une étude selon laquelle seulement 14 % des femmes ont une vision précise de leur périnée. C’est fou qu’il n’y ait aucune transmission à ce sujet, alors que mes patientes me disent que s’en préoccuper a changé leur vie », plaide-t-elle. Pour entretenir son périnée, Anna Roy explique que l’on peut pratiquer une trentaine de contractions quotidiennes d’une seconde ou une quinzaine de cinq à dix secondes en les divisant debout, assise et allongée, en faisant attention à ne pas confondre la contraction périnéale avec une contraction des fesses.
En dehors du plaisir sexuel, mieux connaître l’existence du périnée et de ses fonctions permettrait d’oser consulter pour des fuites, qui touchent aussi les jeunes femmes qui n’ont jamais accouché, ou encore pour des troubles comme le vaginisme, une contraction récurrente des muscles du plancher pelvien entourant l’ouverture du vagin qui empêche la pénétration. « Un tiers de ma patientèle consulte pour des douleurs. Il peut y avoir des tensions musculaires dans le vagin, mais cela se prend en charge. Comme on apprend à le muscler, on peut s’exercer à détendre le périnée », explique Clémentine Siméon, kinésithérapeute spécialisée dans la rééducation périnéale, coauteure de Périnée : tout ce que vous avez toujours voulu savoir... sans jamais oser le demander ! (Les Éditions de l’Opportun, 2017). Certain·es praticien·nes utilisent notamment les boules de geisha pour l’apprivoiser.
Enfin, rappelons ici que les hommes aussi ont un périnée et que son entretien peut se révéler tout aussi bénéfique pour eux. Ainsi, le périnée influerait sur la qualité des rapports sexuels, dans la mesure où il permettrait d’« améliorer » l’érection et de mieux maîtriser l’éjaculation. « Il semblerait que muscler son périnée soit également efficace pour traiter l’éjaculation précoce », écrivent Alain Bourcier et le Dr Jean Juras dans Les Dialogues du périnée (éd. Odile Jacob, 2016). Magique, on vous dit !
“Tout à coup, ce n’est plus une zone inanimée. Tu peux serrer et desserrer, être sur le dos et ne pas avoir l’impression de faire l’étoile de mer ”
Mathilde, 23 ans