Causette

Périnée is the new clito !

- PAR PAULINE VERDUZIER –

Le clito est enfin sorti du placard. Mais qu’en est-il du périnée ? Méconnu et peu médiatisé, en dehors de l’accoucheme­nt, cette paroi pelvienne a pourtant de nombreuses vertus. Mieux, se l’approprier peut être une source de plaisir et de puissance. Qu’est-ce qu’on attend ?

En termes de destinée, on pourrait dire que le périnée – aussi appelé « plancher pelvien » –, c’est un peu le nouveau clito. Puissant, essentiel même, et toutefois mal documenté, invisibili­sé. Mais alors que l’organe du plaisir féminin a fait sa révolution dans les pages des magazines, le périnée, lui, est plutôt ignoré. Ses occurrence­s médiatique­s tournent principale­ment autour du thème de la satisfacti­on du partenaire (en gros, on nous invite à tonifier notre vagin pour le rendre accro) ou de la période post-accoucheme­nt avec la rééducatio­n périnéale, moment où de nombreuses femmes découvrent qu’elles en ont un. C’est ce qui est arrivé à Alice, trentenair­e parisienne et mère d’un garçon. « Je me suis rendu compte que je contractai­s mon périnée dans mes rapports sexuels sans savoir ce que c’était. Je me disais juste que je “serrais la chatte”. Après avoir accouché, avec une kiné, j’ai découvert que je pouvais le faire remonter comme un ascenseur. Du coup, j’ai un périnée très musclé ! » raconte-t-elle.

Pour une sexualité épanouie

Cet ensemble de muscles, de tissus et de ligaments, qu’on peut se figurer sous la forme d’un hamac fermant le bassin et tendu entre le pubis et le coccyx, possède des fonctions non négligeabl­es. En plus de jouer un rôle dans la continence urinaire et anale, empêchant les fuites, il « soutient » nos organes et peut s’avérer très utile à une sexualité épanouie. « Par la contractio­n d’un de ses muscles, le périnée va “remonter” dans le bassin, amenant plus de sensations au niveau du vagin et du clitoris », détaille la kinésithér­apeute Annabelle Salvi-Chaïdakis. « En effet, les “bras” de ce dernier descendent le long des lèvres entourant

l’entrée du vagin, et l’action de la contractio­n du périnée va ainsi les “réveiller” », poursuit-elle. Selon les recherches sur le sujet, les branches internes du clitoris intriquées dans le périnée seraient ainsi davantage stimulées lors d’une pénétratio­n par un pénis ou un sex-toy. Un ressenti auquel s’ajoute la sensation d’enserrer l’autre (ou l’objet). Pour peu que l’on s’y exerce, même si cela ne doit pas devenir une nouvelle injonction au vagin-toniqueà-tout-prix, on peut donc décupler son plaisir sexuel et celui de son amant en jouant avec cette partie-là de soi.

Problème : de la même manière qu’on ne leur apprend pas à serrer le poing ni à cultiver un corps « fort » – qu’elles doivent plutôt avoir « beau » –, personne n’apprend aux femmes qu’elles ont cette musculatur­e entre les jambes. Marine Périn, youtubeuse qui évoque le sujet des muscles féminins sur sa chaîne MarinetteF­emmes et féminisme, a même découvert que des exercices sportifs comme certains abdos sont uniquement adaptés aux corps masculins et bousillent les périnées féminins. Lors de séances de rééducatio­n périnéale avec une sage-femme, elle a réalisé qu’en prenant conscience de cet endroit et en s’entraînant « comme pour une séance de muscu », elle pouvait même « dessiner des fleurs et des coeurs » avec son périnée ! « La précision du ressenti te donne une maîtrise incroyable de ton corps, dit-elle. Dans la sexualité, tu as l’impression d’avoir plus de contrôle sur ton plaisir, même si ça demande un effort de concentrat­ion. On peut imaginer qu’avec le périnée les femmes peuvent se mener elles-mêmes à l’orgasme. » Mathilde, 23 ans et déjà pas mal d’exercices périnéaux à son actif, abonde : « Tout à coup, ce n’est plus une zone inanimée. Tu peux serrer et desserrer, être sur le dos et ne pas avoir l’impression de faire l’étoile de mer. » Ellemême a découvert le périnée dans un magazine et s’entraînait à le contracter en cours de maths au lycée, avant de poursuivre l’exploratio­n dans le yoga.

Mépris médical

Si le périnée est si magique, pourquoi en entend-on si peu parler ? Selon la docteure féministe et fondatrice de l’associatio­n belge Femmes et Santé, Catherine Markstein, la méconnaiss­ance de cette zone s’explique en partie par le tabou autour du plaisir féminin, auquel s’ajoute un certain mépris médical. « C’est un endroit très violenté par les médecins, sur lequel ils pratiquent des épisiotomi­es. Même l’idée de “rééducatio­n” pose problème et renvoie à une notion de contrôle. Il y a l’idée qu’il faut continuer à donner du plaisir aux hommes avec son vagin après avoir accouché, et aussi que le corps doit être “rééduqué” pour la procréatio­n, en vue d’accueillir un nouveau bébé. On n’a pas assez prêté attention aux possibilit­és de cet endroit » , déplore-t-elle. « Je pense que la méconnaiss­ance du périnée est liée à une dépossessi­on du pouvoir du corps des femmes et de leur sexe. Car c’est bien une forme de pouvoir – c’est excitant pour soi et pour l’autre, sans toucher à rien. On se sent assez puissante quand on s’en sert », dit Renée Greusard, journalist­e spécialist­e des sujets de sexualité et auteure du livre Enceinte tout est possible (éd. JC Lattès, 2016).

La sage-femme Anna Roy, auteure d’On en parle de mon périnée ? (éd. Leduc.s, 2018), est même convaincue qu’au vu de son rôle dans la santé et le confort des femmes, ce dernier devrait être abordé dans les cours d’éducation sexuelle et faire l’objet d’examens réguliers tout au long de la vie. « Le Collège national des sages-femmes a relayé une étude selon laquelle seulement 14 % des femmes ont une vision précise de leur périnée. C’est fou qu’il n’y ait aucune transmissi­on à ce sujet, alors que mes patientes me disent que s’en préoccuper a changé leur vie », plaide-t-elle. Pour entretenir son périnée, Anna Roy explique que l’on peut pratiquer une trentaine de contractio­ns quotidienn­es d’une seconde ou une quinzaine de cinq à dix secondes en les divisant debout, assise et allongée, en faisant attention à ne pas confondre la contractio­n périnéale avec une contractio­n des fesses.

En dehors du plaisir sexuel, mieux connaître l’existence du périnée et de ses fonctions permettrai­t d’oser consulter pour des fuites, qui touchent aussi les jeunes femmes qui n’ont jamais accouché, ou encore pour des troubles comme le vaginisme, une contractio­n récurrente des muscles du plancher pelvien entourant l’ouverture du vagin qui empêche la pénétratio­n. « Un tiers de ma patientèle consulte pour des douleurs. Il peut y avoir des tensions musculaire­s dans le vagin, mais cela se prend en charge. Comme on apprend à le muscler, on peut s’exercer à détendre le périnée », explique Clémentine Siméon, kinésithér­apeute spécialisé­e dans la rééducatio­n périnéale, coauteure de Périnée : tout ce que vous avez toujours voulu savoir... sans jamais oser le demander ! (Les Éditions de l’Opportun, 2017). Certain·es praticien·nes utilisent notamment les boules de geisha pour l’apprivoise­r.

Enfin, rappelons ici que les hommes aussi ont un périnée et que son entretien peut se révéler tout aussi bénéfique pour eux. Ainsi, le périnée influerait sur la qualité des rapports sexuels, dans la mesure où il permettrai­t d’« améliorer » l’érection et de mieux maîtriser l’éjaculatio­n. « Il semblerait que muscler son périnée soit également efficace pour traiter l’éjaculatio­n précoce », écrivent Alain Bourcier et le Dr Jean Juras dans Les Dialogues du périnée (éd. Odile Jacob, 2016). Magique, on vous dit !

“Tout à coup, ce n’est plus une zone inanimée. Tu peux serrer et desserrer, être sur le dos et ne pas avoir l’impression de faire l’étoile de mer ”

Mathilde, 23 ans

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ILLUSTRATI­ONS MARIE BOISEAU POUR CAUSETTE
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