Quoi de l’oeuf, docteur ?
Enfin un calendrier ! La loi ouvrant la PMA à toutes les femmes va faire l’objet d’une concertation en conseil des ministres en décembre, et sera débattue par le Parlement à partir de janvier prochain. Mais accrochez-vous, ça ne va pas être de la tarte.
Janvier 2018. Causette affiche en Une une cocotte en plumes avec une cocarde bleu, blanc, rouge, et titre : « Réforme de la PMA : la France, poule mouillée ? » Dans cet article, notre magazine émet « le voeu, radicalement non pieux, que le président tiendra le calendrier » et fasse passer en 2018, comme annoncé, la loi ouvrant l’assistance médicale à la procréation (AMP) – également nommé procréation médicalement assistée (PMA) – à toutes les femmes. Autant vous dire que c’est loupé pour 2018. Mais, trois mois d’États généraux de la bioéthique au printemps et un nouvel avis favorable* rendu le 25 septembre par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) plus tard, voilà enfin inscrite à l’agenda du gouvernement la promesse de campagne du candidat Macron.
La PMA pour toutes sera finalement débattue par les parlementaires dans le cadre du projet de loi sur la révision de la loi de bioéthique « entre janvier et mars 2019 », selon un député au taquet sur le sujet, Guillaume Chiche. Cet élu de La République en marche (LRM) des Deux-Sèvres a rappelé au gouvernement ses engagements en tentant de poser sur la table des parlementaires, cet été, une proposition de loi ad hoc. Le 18 juillet, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a rappelé à l’ordre l’impatient Chiche pour signifier que le gouvernement comptait bel et bien garder la main sur le dossier PMA pour toutes. Pour donner le change, Griveaux promet aussi que le projet de loi fera l’objet d’une concertation en conseil des ministres en décembre. « Grâce à mon action, le mouvement politique En Marche ! se positionne sur le sujet et accepte toutes mes orientations, s’autocongratule le député. D’une part, le remboursement par la Sécurité sociale, car les lesbiennes et les femmes célibataires cotisent comme tout le monde à la Sécu. D’autre part, la double filiation automatique dans le cadre d’un couple de femmes, afin que la deuxième mère soit reconnue comme telle. Enfin, au-delà de la PMA pour toutes, reconnaissance des enfants nés de GPA [gestation pour autrui, ndlr] à l’étranger et autoconservation des ovocytes. »
La France s’apprête-t-elle à faire un grand bond en avant sociétal grâce à la majorité absolue dont dispose le parti du chef de l’État à l’Assemblée ? Rien n’est encore fait. Évidemment, la Manif pour tous a promis de nouveaux grands raouts et le choix du gouvernement d’en passer par un projet de loi, et non par une simple proposition parlementaire, ouvre le terrain à de (trop) longs débats. C’est cet espace-temps trop long qui avait, de l’avis même de l’ancien président François Hollande, permis aux adversaires du Mariage pour tous de se déchaîner en 2013.
Bien que la maison France n’ait pas brûlé depuis que les homosexuel·les peuvent convoler en justes noces, les anti n’ont pas changé d’un iota. Pour preuve, en plus de leurs demandes incessantes de rendez-vous, la Manif pour tous a envoyé à tous les parlementaires un dossier de 300 pages plaidant pour leur cause. De son côté, Virginie Tellenne, ex-Frigide Barjot, a publié, le 6 octobre, un incroyable communiqué expliquant être « bien certaine que ce qui a été déclencheur de l’infection bactérienne dans [son] rein (qui s’est rempli de pus), c’est le choc psychologique de l’avis du CCNE, rendu le 25 septembre dernier, jour de mon anniversaire ». Les photos de Virginie Tellenne alitée sont accompagnées de nombreux messages de soutien du type « bon rétablissement et sus à la GPA ! » Oui, ils sont encore là, bien là, leurs amalgames dégainés et l’homophobie prête à ressurgir.