Corée du Sud
“LIBÈRE-TOI DE TON CORSET”
« Ici, on voit des femmes faire de la chirurgie esthétique pour les entretiens d’embauche, et des parents offrir une opération à leur enfant en guise de cadeau d’entrée à l’université. » La youtubeuse coréenne Lina Bae donne le ton, lorsqu’on l’interroge sur les normes de beauté dans son pays. Elle fait partie des féministes à s’être insurgées, en 2018, pendant le mouvement #EscapeTheCorset (« Libère-toi de ton corset »), contre les diktats esthétiques coréens. C’est une présentatrice de chaîne nationale, Lim Hyeon-ju, qui pose la première pierre à l’édifice. Chose impensable en Corée du Sud, elle porte des lunettes à l’écran. Et assume de défier le système. Dans les jours suivants, deux associations organisent une manifestation dans le quartier des chirurgiens plastiques, au centre de Séoul. Le message : « Le scalpel est une forme de violence culturelle et de dégradation des femmes, qui rend leur vie plus superficielle. » Dans la foulée, Lina Bae change sa routine vidéo. Devant sa webcam, au lieu de se pomponner façon tuto comme elle en avait l’habitude, elle se démaquille. Sur son visage sans fard, elle projette des commentaires insultants sur son physique. Preuves de la violence dont on est la cible lorsque, comme elle, on ne ressemble pas au canon dominant (le combo petit menton, grands yeux ronds, mininez). « Les personnalités publiques coréennes ne parlent pas de chirurgie, ça demande beaucoup de courage, car la pression est trop forte, explique-t-elle à
Causette. Dites-vous bien que les gens portent des masques par honte de la forme de leur visage. Ce sont les réseaux féministes, comme Heavytalker [chaîne YouTube d’empowerment féminin, ndlr] ou SOLOdarity [asso de femmes célibataires],
qui ont donc soulevé le sujet. » Comme Lina Bae, elles sont nombreuses à s’être converties, depuis, à la coupe au bol et au sans-maquillage, devenus signes de déconstruction.