Causette

Proxima : Maman part sur Mars

MAMAN PART SUR MARS

- Propos recueillis par ARIANE ALLARD

Avec Proxima, Alice Winocour nous raconte l’histoire d’une femme astronaute qui part s’entraîner dans un milieu très masculin avant de s’envoler pour Mars et de laisser sur Terre sa fille de 7 ans. Un récit de séparation, entre joie et souffrance. Causette : D’où vous vient cette attraction pour l’espace ?

Alice Winocour : L’espace me fascine depuis que je suis toute petite. Ce monde m’a littéralem­ent happée quand j’ai commencé à me documenter pour mon film. Dès que j’ai mis les pieds à Cologne [Allemagne, ndlr], à l’Agence spatiale européenne [ESA] ! J’ai alors découvert que l’entraîneme­nt représenta­it 80 % de la vie des astronaute­s. Le cinéma a peu montré cette somme de travail en amont, sur Terre. Ça m’a passionnée. En chemin, j’ai compris que quelque chose d’intime m’avait poussée vers ce sujet. Je voulais explorer le processus de séparation entre une mère et sa petite fille – j’ai moi-même une fille de 9 ans –, un processus qui résonne avec la séparation entre l’astronaute et la Terre.

Avez-vous su tout de suite que votre récit se focalisera­it autour d’une femme astronaute ?

A. W. : Oui, parce que je voulais montrer une super héroïne qui soit aussi une mère. Ce qu’on ne voit jamais dans les films. Au cinéma, les super héroïnes sont toujours représenté­es sans enfant – comme Sigourney Weaver dans Alien – ou alors leur enfant est mort. Regardez Sandra Bullock dans Gravity ! Pas question de mettre des enfants dans les pattes des super héroïnes, ça pourrait les détourner de leur mission ! De fait, ça véhicule l’idée qu’être une mère et une profession­nelle de haut niveau est incompatib­le. Une entraîneus­e de l’ESA m’a ainsi confié, un jour, que les astronaute­s hommes sont très fiers de parler de leurs enfants, alors que les astronaute­s femmes ont plutôt tendance à cacher qu’elles sont mères. Comme si elles craignaien­t que ça les décrédibil­ise.

Proxima se distingue en étant un film terrien… et très physique. Pourquoi ?

A. W. : Le cinéma que j’aime est celui qui relève de l’expérience physique. Je voulais être au plus près des femmes astronaute­s. De leur corps. Ce sont des combattant­es. Pour être sélectionn­ées, elles doivent prouver qu’elles sont les meilleures. Et puis leur entraîneme­nt est extrêmemen­t violent. On les prépare à se sortir de l’humanité ! Raison pour laquelle j’ai choisi Eva Green pour incarner mon héroïne : c’est une guerrière et elle a ce côté un peu « space » ! Mais le côté physique de mon film, c’était aussi pour montrer le rapport mère-fille dans sa dimension charnelle. Fusionnell­e…

Même si vous racontez une séparation, pour finir ?

A. W. : Proxima raconte un double parcours de libération et d’apaisement. Sarah, mon héroïne, accepte de ne pas être une mère parfaite et d’aller jusqu’au bout de son rêve. Tandis que Stella, sa petite fille, s’émancipe du cocon maternel. 7-8 ans, c’est l’âge de la séparation avec la mère. Celui où l’on se rend compte qu’on peut avoir des goûts différents.

Le générique de fin, très émouvant, rappelle que les femmes astronaute­s ont été nombreuses même si on les connaît peu…

A. W. : Les femmes représente­nt 10 % des astronaute­s. La proportion augmente, mais il y a encore du travail ! Oui, cela reste un monde masculin, pensé par les hommes et pour les hommes.

Proxima, d’Alice Winocour. En salles.

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Eva Green, dans le rôle de Sarah, et Zélie Boulant, dans celui de sa fille.
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