Causette

Au boulot !

Lille aux animaux

- Texte et illustrati­ons par CAMILLE BESSE

En cette journée d’automne froide et pluvieuse, au parc de la Citadelle de Lille, on entend des oiseaux chanter. Comme un appel aigu qui s’étire et se module en une plainte grave. Joli, mais chelou en fait. Faut dire que nous sommes à l’entrée du zoo municipal. Ce ne sont pas des rossignols qu’on écoute, mais des gibbons qui marquent leur territoire. C’est là que, depuis un an et demi, Estelle Hennebert travaille comme soigneuse.

Le zoo de Lille abrite 350 animaux d’une centaine d’espèces, répartis sur six zones thématique­s. Douze soigneurs et soigneuses veillent sur cette faune bigarrée. Chaque jour, de la canicule au verglas, ils et elles arpentent le parc sans relâche.

Prévenons tout de suite les adeptes de l’émission de télé-réalité Une saison au zoo, le métier de soigneur·euse, ce n’est pas une sinécure.

Zepec se jette sur la trappe pour entrer. Le temps du nettoyage, les animaux sont dans leur espace de vie extérieur.

Nettoyage des agrès : les capucins bruns marquent leur territoire avec de l’urine, il y en a partout.

Une grande partie du temps, Estelle fait du « spot cleaning », du ramassage de crottes ciblé. Utile pour l’hygiène et la surveillan­ce des animaux.

Nourrissag­e des capucins à travers la grille. « C’est un métier très populaire. Dans l’émission, ils ne montrent que les bons côtés. Souvent, les stagiaires sont déçus. On n’est pas là pour faire des papouilles. Quand je suis en nourrissag­e public, j’aime bien le répéter : les animaux mordent, on ne les caresse pas. Ils sont juste habitués à l’homme. »

Il faut nourrir tout ce monde deux ou trois fois par jour, nettoyer les loges et les enclos – « le mot “cage”, c’est mal vu » –, veiller à la santé de tous et ne pas oublier de distraire les pensionnai­res.

Pour enrichir le quotidien de leurs protégé·es, les soigneur·euses et les équipes techniques conçoivent et construise­nt des jeux, des dispositif­s qui permettent aux animaux de jouer et d’être stimulés en mangeant, à défaut de pouvoir les faire chercher eux-mêmes leur nourriture dans la nature.

Ici, on dit « les enrich ».

« Chaque soigneur a deux secteurs de référence, moi ce sont les îles et les parcs. C’est important pour bien connaître les animaux et repérer les changement­s de comporteme­nt, mais il faut savoir tout faire. Le week-end, on est en effectif réduit, donc on intervient partout.

Et puis il ne faut pas être une petite nature. Ramasser du caca de rhino, c’est très lourd ! Quand on déplace les troncs pour les agrès, c’est physique ! Quand le parc ferme l’hiver, il y a beaucoup de gros travaux de ce type. »

« On commence à mettre en place du training médical. Apprendre aux gibbons à passer les bras à travers les grilles pour les prises de sang, par exemple, ouvrir la bouche sur demande… »

C’est très long de parvenir à de tels résultats. Pour commencer, elle tente d’apprendre aux capucins à rentrer au son d’une maraca artisanale.

« Lui, c’est Mapenzi. On le reconnaît aux poils aux oreilles. »

Le parc garde deux jeunes rhinocéros blancs mâles. Trop vieux pour rester avec leurs parents et trop jeunes pour se reproduire, ils n’attirent pas les foules. « C’est important que des parcs comme nous contribuen­t ainsi à sauvegarde­r les espèces en accueillan­t ces individus. »

Les capucins seront récompensé­s en recevant une petite douceur : des blattes vivantes.

« Tout le monde veut être soigneur ! Petite, je voulais travailler avec les animaux, mais véto c’est trop compliqué, et les euthanasie­s, j’aurais pas pu. À 24 ans, j’ai la chance d’avoir un travail, c’est un métier bouché. Certain·es traversent des frontières pour trouver un boulot. Il faut être mobile et accepter les journées à rallonge, les weekends et jours fériés où on travaille. C’est un métier passion, payé à peine plus que le Smic. »

« On fait de notre mieux pour qu’ils soient heureux, mais on préférerai­t les voir libres. Nos animaux sont nés en parc ou proviennen­t de saisies. On a un iguane, il a été trouvé dans la rue. On les garde avec l’espoir que leurs descendant­s puissent être réintrodui­ts dans leur milieu naturel. C’est compliqué, ça prend beaucoup de temps, mais ça se fait de plus en plus. »

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