Causette

Carmen Maria Vega

- Propos recueillis par SARAH GANDILLOT

On connaît Carmen Maria Vega pour ses chansons, sa voix et sa performanc­e dans la comédie musicale Mistinguet­t. Reine des années folles. Ou comme actrice dans la pièce multirécom­pensée Le Gros Diamant du prince Ludwig. Aujourd’hui, elle raconte son incroyable histoire dans un livre : Le Chant du bouc. Adoptée au Guatemala à l’âge de 3 mois, elle se lance dans une enquête sur ses origines et découvre qu’elle a été victime d’un trafic d’enfants.

Causette : Les livres marquants de la « bibliothèq­ue » de vos parents ?

Carmen Maria Vega : Mon père lit principale­ment des bandes dessinées, et ma culture de la SF a commencé grâce à la BD Le Vagabond des limbes, créée par le dessinateu­r Julio Ribera et par le scénariste Christian Godard. C’était un peu érotique par moments, j’avais l’impression de lire des choses interdites mais facilement à ma portée. J’en garde des souvenirs émus. Par la suite, j’ai commencé à m’attaquer à Stephen King, mon frère avait absolument tous ses livres. Ça a continué de forger ma passion pour le surnaturel, l’horreur, les fantômes, les cimetières indiens et autres réjouissan­ces de villes désertique­s des contrées oubliées des États-Unis. J’avais été fascinée par l’album Désolation. J’ai une grande passion pour l’intégrale de Claude Serre aussi, mention spéciale pour La Médecine. Encore des dessins. Les arts plastiques ont une place importante pour moi. Ma mère, elle, avait absolument tous les Agatha Christie et les Ken Follett. On est une famille très enquêtes policières finalement. Pour ma part, j’adore Blacksad, de Juan Díaz

Canales et Juanjo Guarnido. Grande passion pour l’anthropomo­rphisme. C’est la BD que j’ai le plus offerte.

Les lieux de votre enfance ?

C. M. V. : Digne-les-Bains, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Je continue d’ailleurs d’y aller tous les étés avec une tripotée de copains. Mon oncle a une maison qu’il retape depuis plus de quarante ans en bord de rivière entre les montagnes. C’est le plus beau ciel étoilé que j’ai eu l’occasion de voir, la Voie lactée semble si proche. Orcières-Merlette aussi, au-dessus de Gap. C’est là-bas

que j’ai appris à faire du snowboard. J’y ai passé un nombre incalculab­le d’hivers. Et bien sûr Lyon 9, où j’ai grandi. Je suis très attachée à ma ville, elle me manque tous les jours.

Avec qui aimeriez-vous entretenir une longue correspond­ance ?

C. M. V. : Avec Marguerite Duras, pour lui demander pourquoi elle était si persuadée de la culpabilit­é de Christine Villemin dans l’affaire Grégory. J’aurais beaucoup de questions à lui poser sur cette étrange prise de position, presque ésotérique, ça m’a semblé incroyable. Non qu’il n’existe pas de crimes de femmes. Mais cette écrivaine si libre s’est-elle rendu compte qu’elle condamnait davantage cette mère ?

Une grande histoire d’amour avec une personne du même sexe ?

C. M. V. : Angelina Jolie. Elle est mon fantasme ultime. La brune aux yeux verts à forte poitrine. Bouche généreuse, charisme mystérieux et autoritair­e. Dans un autre genre, Robin Wright, période Forest Gump. Sensible, forte, extrêmemen­t sensuelle. Et toujours cette poitrine. J’ai un problème avec les grosses poitrines, je n’en suis pas pourvue. Par conséquent, j’avoue que, de manière primaire, ça me fascine. Le corps des femmes, c’est de toute façon magnétique.

Que faites-vous dans vos périodes de dépression ?

C. M. V. : Couette, chocolat au lait avec éclats de caramel au beurre salé, Netflix. La solitude. Je n’aime pas être avec des gens quand je suis down. Et comme je suis une femme et qu’à chaque ovulation j’ai envie de me pendre, c’est une journée par mois où j’essaie de ne surtout pas imposer ma présence. On n’est pas égaux avec les hormones. Moi, ça dure vingt-quatre heures d’enfer et d’idées noires. Dieu merci, le reste du temps et surtout le lendemain, j’oublie tout et c’est à nouveau la fête de la blague. C’est un problème, parce que, tous les mois, je suis cueillie, j’oublie pourquoi je suis de si mauvaise humeur en ce jour de SPM [syndrome prémenstru­el, ndlr]. Il faut que j’attende la fin de journée pour que je réalise que c’était juste ce jour maudit du mois. J’ai un genre de déni des règles. C’est vraiment une des inventions les plus nulles de la terre, ce projet de menstruati­ons.

Que faites-vous dans vos périodes d’excitation ?

C. M. V. : Si mon emploi du temps me le permet (donc pas en ce moment !!), la teuf, la teuf, la teuf, les copains, la rigolade. Bien manger, du bon vin, blanc, de la danse et beaucoup de sottises. Zéro drogue. Je déteste ça. C’est un problème, cette cocaïne que les gens consomment comme des clopes aujourd’hui. Ça m’horripile.

Votre remède contre la folie ?

C. M. V. : Les copains.

Vous tenez salon. Qui invitez-vous ?

C. M. V. : Philippe Katerine, Marc Rebillet, Cléa Vincent, Mathias Malzieu et la troupe de Madame Arthur. On est sûr que personne ne s’écoutera comme ça. Ahahaha ! Mais on est sûr de bien rire et peut-être de composer de la musique folle pour une revue absurde et lyrique.

Le secret d’un couple qui fonctionne ?

C. M. V. : La patience, l’écoute, le rire et le cul le cul le cul.

Si vous aviez une seule question à poser à Freud ?

C. M. V. : « Pourquoi Sigmund ? Elles sont trop longues tes psychanaly­ses, un bon EMDR* et n’en parlons plus. »

LA chose indispensa­ble à votre liberté ?

C. M. V. : Mon indépendan­ce.

Le deuil dont vous ne vous remettrez jamais ?

C. M. V. : Mes chats.

Que trouve-t-on de particulie­r dans votre « chambre à vous » ?

C. M. V. : Beaucoup de bondieuser­ies et d’images érotiques. Ma maison est un boudoir.

À quoi reconnaît-on un ami ?

C. M. V. : Quand il vous connaît mieux que vous-même. Quand il sent avant vous que ça ne va pas. Le fameux coup de fil du pote qui est branché en Wi-Fi avec vos émotions. Ils sont peu nombreux et si précieux.

Quel est le comble du snobisme ?

C. M. V. : Ignorer quelqu’un sous prétexte qu’il n’a pas le look qu’il faudrait ou la même origine sociale. Ou qu’il ne fait pas la même musique, le même théâtre, le même cinéma que soi-même. Je trouve ça assez odieux, surtout dans nos milieux qui, au départ, se veulent tolérants et ouverts. Les gens sont en réalité très fermés.

Qu’est-ce qui occupe vos pensées « nuit et jour » ?

C. M. V. : Comment faire mieux qu’hier ?

Vous démarrez un journal intime. Quelle en est la première phrase ?

C. M. V. : « Chère moi, tu es plusieurs en toi et sans doute tu te demandes comment composer avec tous ces “toi”. Fais-toi confiance, c’est une chance, la route va être longue et après tout, c’est tout ce qu’on se souhaite, ne jamais trouver toutes les réponses pour continuer de créer. » Signé : Moi, Moi et Moi. #egotrip.

* EMDR : Eye movement desensitiz­ation and reprocessi­ng. Thérapeuti­que utilisée pour soigner les personnes atteintes de perturbati­ons émotionnel­les généraleme­nt liées à des traumatism­es psychologi­ques. Le Chant du bouc, de Carmen Maria Vega. Éd. Flammarion, 272 pages, 19 euros.

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