UN MORCEAU DE CHOIX
Swallow est de ces films que l’on absorbe et digère méticuleusement. Sa texture déconcerte, son goût surprend, mais son fumet ravit. On en sort estomaqué·e et bouleversé·e…
Récompensé du Prix spécial du jury au Festival de Deauville, ce premier long-métrage raconte une bien étrange histoire. Celle de Hunter, jeune femme au foyer qui semble mener une vie parfaite aux côtés de son richissime mari… sauf qu’elle se met à avaler n’importe quoi (une bille, une pile, une épingle à nourrice, de la terre, etc.) dès lors qu’elle se découvre enceinte. Un trouble du comportement alimentaire autrement dénommé la « maladie de Pica ».
Sujet délicat ! Pourtant, Carlo Mirabella-Davis, le jeune auteur newyorkais de Swallow, réalise un quasi-sans-faute. Mixant les genres du thriller (épuré) et du conte (malaisant), il opte avec finesse pour une mise en scène chirurgicale. Précise et distanciée, celle-ci laisse le mystère s’infiltrer d’emblée dans la maison de Hunter. Toute en verre et (fausses) transparences…
Anxiogène mais jamais glauque, le film peut alors dérouler ses métaphores et ses révélations. Oui, Swallow nous parle de l’hypersolitude d’une jeune femme en détresse (Haley Bennett, impeccable dans ce rôle). Mais il nous rappelle aussi à quel point les rapports de classe peuvent être violents (Hunter est issue d’un milieu modeste) et le paternalisme misogyne, dominateur et toxique. Nul hasard s’il fait penser à Safe, film visionnaire que Todd Haynes a réalisé en 1995 (avec Julianne Moore)…
Quand bien même l’on peut regretter son épilogue (une scène de pardon conventionnelle), Swallow, fable féministe, se savoure tel un morceau de choix.