Causette

La Nouvelle Seine : la crème de l’humour féministe

En sept ans, à Paris, ce lieu de rencontres et de découverte­s artistique­s est devenu le nouveau temple de l’humour. Avec une programmat­ion toujours plus féminine et féministe.

- Par SARAH GANDILLOT

C’est une jolie péniche avec une vue imprenable sur NotreDame. S’y rendre est déjà en soi une promesse. D’abord, il faut rejoindre le quai de Montebello, le long de la Seine, à Paris, puis, une fois arrivé·e devant le bateau, s’agripper à la rampe pour descendre la passerelle pentue qui mène à l’intérieur. Là, un chaleureux restaurant ambiance loupiottes vous attend, si l’envie vous prend de boire un verre ou d’avaler un plat de saison avant le spectacle. Car oui, ici, on ne vient pas pour faire le touriste sur bateau-mouche, mais bien pour se bidonner en découvrant les nouvelles têtes de l’humour français. Dans la coque de La Nouvelle Seine se cache en effet un charmant théâtre de plus de 110 places où,

depuis sept ans, on peut aller applaudir la fine fleur de cet art vivant qui n’en finit plus de foisonner dans la capitale et bien au-delà. Blanche Gardin, fidèle, y a joué son premier spectacle et tous les autres , malgré sa notoriété explosive. Guillaume Meurice y a fait ses premiers pas. Bien avant d’officier sur France Inter. Tout comme Bun Hay Mean, Yacine Belhousse ou Shirley Souagnon, désormais stars dans leur discipline. En clair, si aujourd’hui vous voulez découvrir les talents de demain, c’est là qu’il faut aller.

À la recherche de la perle

Derrière ce lieu plein de promesses et d’exigence, il y a une femme, Jessie Varin. Il faut dire qu’elle a été à bonne école. Six ans au Point Virgule, lieu mythique de l’humour à Paris, ça forme ! « J’ai commencé comme hôtesse de caisse. Et puis, peu à peu, j’ai grimpé les échelons jusqu’à devenir responsabl­e de la communicat­ion et de la commercial­isation du théâtre et à accompagne­r la création d’une autre salle : Le Grand Point Virgule. J’ai vraiment appris mon métier là-bas. Et j’ai découvert l’humour à ce moment-là. Car, à l’époque, ça n’était pas ma culture ! Je ne jurais que par la danse contempora­ine et le théâtre public. J’étais presque snob sur le sujet », raconte-t-elle. Et puis, un jour, l’envie de prendre son envol, de faire ses propres choix se fait sentir. Avec l’un de ses collaborat­eurs du Point Virgule, ils tapent sur Internet : « Acheter un théâtre à Paris ». Direct, la péniche leur saute aux yeux. Ils visitent. Petits frissons intérieurs. « C’était un couple qui faisait des dîners-spectacles de magie depuis des années, qui vendait. Ce petit théâtre dans la coque nous a tout de suite plu. Mais on avait 30 ans et, en vérité, pas d’argent. » Alors, Jessie Varin a l’idée de chercher un associé pour reprendre le resto. Elle trouve la perle. Lui a un peu de sous et tombe également sous le charme de l’endroit avec sa compagne. En vingt minutes, le compromis de vente est signé. Et depuis sept ans, eux et Jessie sont associés et voguent sur les flots en toute harmonie.

La pêche aux pépites

Et c’est cette harmonie qui permet à la directrice du lieu de dénicher des petits diamants et de chiader une programmat­ion toujours plus qualitativ­e. « Dès le début, j’ai eu envie de choisir des gens à l’humour engagé, intelligen­t, social et politique. L’une des premières artistes qu’on a programmée­s, c’est Audrey Vernon, avec Marx et Jenny, un spectacle sur Karl Marx et l’économie. Avant qu’elle ne crée, avec le succès qu’on sait, Comment épouser un milliardai­re, sur les ultrariche­s… Et, aujourd’hui, Billion Dollar Baby, sur l’effondreme­nt écologique », décrit Jessie Varin. En toute logique, donc, depuis deux-trois ans, le féminisme a pris ses quartiers à La Nouvelle Seine. La péniche a vu émerger Julie Bargeton (Barbue puis Woman is Coming) ; Tania Dutel et son humour trash et libérateur qui catapulte les tabous féminins ; Olivia Moore, qui, après le succès de Mère indigne, cartonne avec

Égoïste sur la quarantain­e libérée (de mari et d’enfants en bas âge) et la découverte de l’amour de soi. Ou encore Mudith Monroevitz, « la réincarnat­ion ashkénaze de Marilyn Monroe », qui signe un show décapant sur le consenteme­nt.

« L’émergence de spectacles féministes à La Nouvelle Seine s’est faite naturellem­ent, conjointem­ent avec l’explosion du sujet dans la société », décrypte Jessie, dont la programmat­ion est, c’est assez rare pour être signifié, à 70 % féminine.

« J’avoue que, instinctiv­ement, je vais plutôt voir des meufs. » Pour dénicher ces pépites, la boss de La Nouvelle Seine court les festivals et les petits comedy clubs : « Il faut être au bon endroit au bon moment. Ensuite, prendre des risques et ne pas hésiter à miser sur la qualité plus que sur le buzz. Car les gens suivent. C’est tout l’intérêt d’avoir un lieu à soi. Ça donne cette liberté-là. » Prochaines humoristes dans son viseur : les Belges Fanny Ruwet, dont l’humour noir ne devrait pas manquer de faire sensation, et Farah, « du pur stand-up », selon les mots de Jessie. Et si les seuls-en-scène ne vous disent rien, ne ratez pas le génial Cabaret burlesque, tous les vendredi et samedi à 23 heures. En sept ans, le succès ne s’est jamais démenti !

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À l’ombre de Notre-Dame de Paris, la péniche-théâtre de Jessie Varin (portrait) offre sa scène aux jeunes pousses de l’humour francophon­e.
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