Cécile Fatiman
Prêtresse vaudou, éphémère « première dame » d’Haïti, Cécile Fatiman fut l’une des protagonistes de la cérémonie de Bois-Caïman, coup d’envoi de la révolution de 1791 qui fit d’Haïti la première république noire de l’Histoire.
La pasionaria haïtienne
Elles furent sans doute nombreuses, ces femmes, anonymes ou célèbres, à prendre part à la révolution haïtienne qui donna naissance, le 1er janvier 1804, à la première république noire libre du monde. L’Histoire a retenu, entre autres, les noms de Sanité Belair, gradée de l’armée de Toussaint Louverture, ou de Catherine Flon, parente du premier empereur d’Haïti Jean-Jacques Dessalines… Et de Cécile Fatiman, personnalité indissociable de la cérémonie de Bois-Caïman, où fut scellée la révolte d’esclaves qui mena à l’indépendance du pays que l’on appelait alors Saint-Domingue. Prêtresse vaudou, princesse haïtienne, Cécile Fatiman vécut cent douze ans. Son histoire, digne des romans d’Isabel Allende, figure en bonne place dans la chronique de l’île caribéenne, entre pouvoirs magiques et conquêtes militaires.
Le vaudou, clé de voûte du soulèvement
Dès 1517, cette colonie sous domination française prend part à la traite transatlantique. Le climat social de SaintDomingue est tendu, c’est le moins que l’on puisse dire. À intervalles réguliers, les esclaves se soulèvent et certains deviennent des figures populaires, voire sacrées. Ainsi François Mackandal, dit le Mandingue, exécuté publiquement en 1758 après avoir empoisonné ses maîtres. Il avait acquis sa connaissance des plantes auprès d’une mambo, une prêtresse vaudou. Son histoire inspire les révoltes suivantes et, trente ans plus tard, le vaudou jouera un rôle important dans le soulèvement des esclaves. En effet, le culte des loas, ces divinités vénérées et craintes par les descendants d’esclaves afro-caribéens, permettra de mobiliser, d’unir et d’encourager les troupes. La mambo Cécile Fatiman en sera un élément clé.
« Mulâtresse [terme colonial désignant une métisse, ndlr] aux yeux verts et aux longs cheveux soyeux », selon l’historien Étienne D. Charlier, Cécile Attiman Coidavid, alias Cécile Fatiman, vient au monde en 1771, on ne sait pas exactement où. Sa mère, Célestina Coidavid, est née sur le continent africain. Elle est vraisemblablement enceinte de Cécile à la suite d’un viol commis par Grégoire Attiman, un aventurier d’origine corse dont l’histoire est pour le moins restée mystérieuse. Elle aurait également eu deux fils dont on perd la trace lorsque mère et fille sont vendues comme esclaves à Saint-Domingue.
Vivre libres ou mourir
Cécile Fatiman est âgée d’à peine 16 ans quand elle rejoint l’entourage de Dutty Boukman, un grand houngan (prêtre vaudou) autour duquel se réunissent les marrons, ces hommes et femmes qui ont fui l’esclavage et vivent en fugitifs dans les bois. Le 14 août 1791, ils sont plusieurs centaines – certaines sources évoquent mille personnes – à s’échapper des usines agricoles du nord de l’île et à se réunir à BoisCaïman. Le lieu, situé sur une colline, est assez reculé pour que s’y fomente un complot révolutionnaire à l’abri des regards indiscrets. La lune pleine éclaire les participants, qui se succèdent pour décrire à l’auditoire la dureté de
le prince Pierre Nord Alexis (petit-fils d’Henri Christophe), futur président d’Haïti lui aussi. Selon le journaliste Vicente Romero, auteur d’un livre sur les liens entre vaudou et politique en Haïti, la princesse Cécile et le prince Pierrot auraient divorcé après douze ans de mariage. Toujours selon Romero, ce dernier se serait ensuite mis en ménage avec l’une des nièces de Cécile.
La légende raconte qu’une tempête tropicale s’abat sur la colline alors que Cécile Fatiman, vêtue d’une tunique blanche, exécute la célébration qui scellera le destin révolutionnaire d’Haïti
Un mythe fondateur de la nation