3 questions à… Lauren Bastide
Lauren Bastide, autrice de Présentes – Ville, médias, politique… Quelle place pour les femmes ? (Éd. Allary. Sortie le 3 septembre)
Causette : Dans votre livre, vous citez de nombreux chiffres sur l’invisibilisation des femmes. Lequel vous met le plus en colère ?
Lauren Bastide : Celui du Global Media Monitoring Project de 2015 qui dit qu’en France, les femmes n’ont que 24 % du temps de parole médiatique. En gros, les hommes sont trois fois plus présents ! J’attends la version 2020 de leur rapport, mais je doute que ça ait progressé. Pendant le confinement, le nombre de femmes expertes invitées sur les plateaux de télé a chuté.
Ce chiffre est connu de longue date, mais rien ne bouge. Pourquoi ?
L. B. : Parce que tout le monde s’en fout ! Il y a un gros manque de volonté politique. Et la très grande majorité des gens ne voit pas le problème.
On met en avant des contre-exemples afin de relativiser la situation. Or, non seulement les femmes ont beaucoup moins de place que les hommes, mais leur parole se limite souvent à du témoignage.
Leur voix est plus rare, moins qualifiée. Le savoir et l’expertise restent dévolus aux hommes.
Faut-il imposer des quotas ?
L. B. : Oui. L’idée de quotas ne colle pas avec la culture française, qui prône l’universalisme et l’égalité entre tout le monde. Mais si on ne se donne pas des objectifs chiffrés, rien n’avancera. Les femmes expertes sont là, il faut juste faire un petit effort pour renouveler les interlocutrices. Sinon on reste dans l’entre-soi masculin. Regardez chez France Télévisions où la direction a fixé la barre à 40 % de femmes expertes en plateau, contre 25 % auparavant. Les journalistes ont joué le jeu et ça fonctionne.