Minorités
Nouvelles méthodes, approches progressistes de l’éducation, remise en question de l’école… encore faut-il pouvoir y entrer ! En France, aujourd’hui, cent mille enfants – roms, entre autres – vivant dans un squat ou dans un bidonville en sont privé. L’avoc
Quand l’accès à l’école est un sport de combat
masse de cheveux bouclés sagement coiffés sur une épaule, Anina Ciuciu sourit à l’objectif de Yann ArthusBertrand. Cette avocate, engagée pour l’accès de tous les enfants à l’école, figure sur « la nouvelle photo du siècle » publiée dans L’Obs pour célébrer une génération neuve de militant·es. Pour parler de son combat, elle préfère mettre en avant les jeunes gens qui l’entourent plutôt que s’épancher sur son histoire. Celle d’une petite fille chassée de Roumanie avec ses parents, « parce qu’[ils étaient] roms ». La voici aujourd’hui diplômée en droit de la Sorbonne, grâce à sa rencontre avec une institutrice de Bourg-en-Bresse (Ain) qui pensait que chaque enfant doit être scolarisé·e, comme l’édictent les principes de la République.
Ils et elles sont pourtant cent mille, selon le rapport du Défenseur des droits, à trouver chaque année porte close. Ainsi, l’histoire représentative de Safoulaye, dit Sow, qui a dû batailler pendant huit mois, dont sept passés dans la rue, avant d’intégrer un CAP de serrurerie-métallerie.
Cet apprenti, parti à 15 ans de sa Guinée natale, est l’un des jeunes qu’Anina a rassemblé·es sous sa bannière pour fonder le collectif École pour tous, dont la mission principale est de porter cette exigence auprès des institutions publiques.
Camion-école
Sur le terrain, Anina Ciuciu préside Aset 93, une association qui accompagne des familles démunies de SeineSaint-Denis afin de rendre effectif leur droit à l’instruction. Elle organise un premier contact des enfants avec la scolarité grâce à son camion-école, une « antenne scolaire mobile », selon les termes de l’Éducation nationale, dans laquelle des éducatrices assurent l’enseignement des savoirs fondamentaux et apprennent aux enfants à devenir des élèves. « Nous intégrons de plus en plus les familles dans notre fonctionnement. C’est par l’implication des premiers concernés que notre projet va réussir », développe Anina Ciuciu. Dans cet état d’esprit, Aset 93 a recruté des médiatrices scolaires, des femmes qui se sont elles aussi heurtées à d’immenses difficultés pour accéder à l’enseignement et qui aident familles et enfants à résoudre les problèmes administratifs.
Pour l’une d’entre elles, Alisa, arrivée de Roumanie à 16 ans, les embûches ont même été trop nombreuses. Elle raconte sa douleur d’avoir ainsi été tenue à l’écart de la vie « normale » des autres enfants. « Depuis que je suis médiatrice, je dors tranquille. Grâce à mon travail, des enfants peuvent enfin aller à l’école. »
accompagner les parents
Son quotidien ? Se rendre à la rencontre des familles quand un nouveau bidonville ou un squat est signalé à l’association. S’assurer que les carnets de vaccination sont à jour, commencer à rassembler la paperasse. Et accompagner les parents, souvent fragilisés par leur maîtrise partielle du français, pour affronter l’administration.
Certaines municipalités, qui ont l’obligation de scolariser tout enfant domicilié sur leur commune, rechignent, voire refusent d’intégrer leurs petit·es. « Elles réagissent comme si ces enfants n’existaient pas. Une stratégie pour éviter l’installation des familles sur leur territoire », dénonce la jeune femme, dont les yeux charbon s’obscurcissent encore.
Lueur d’espoir en cette rentrée : grâce au patient travail de lobbying du collectif École pour tous, un décret précisant les pièces administratives nécessaires à l’inscription d’un enfant à l’école est enfin paru le 29 juin dernier. Une première arme contre les discriminations. « Mais toutes nos revendications n’ont pas encore été entendues* », insiste Anina Ciuciu. Son combat continue.
“Certaines municipalités réagissent comme si ces enfants n’existaient pas. Une stratégie pour éviter l’installation des familles sur leur territoire” Alisa, arrivée de Roumanie à 16 ans, médiatrice scolaire pour l’association Aset 93