Pédagogie
Les notes au piquet !
Le confinement a conduit à remettre en question le diktat du programme et de la notation, trop souvent vu comme une fin en soi. C’est ce que révèle un rapport, en mai, du think tank Vers le haut, sur les enseignements à tirer de cette crise sanitaire pour transformer notre système scolaire.
« l’enjeu n’est pas de finir les programmes, mais de consolider les acquis pour la suite du parcours scolaire. » Voilà ce que mentionnait la circulaire ministérielle relative à la réouverture des écoles en juin et à la poursuite des apprentissages scolaires. De quoi prendre de la distance avec ce sacro-saint programme à boucler. « En temps normal, dès le deuxième trimestre, les enseignants commencent à s’inquiéter d’être en retard. La pression est
très forte et les inhibe. Beaucoup se privent de développer d’autres initiatives fructueuses, faute de temps », constate Marc Vannesson, délégué général de Vers le haut, un think tank dédié aux jeunes et à l’éducation. S’il y a eu, ces dernières années, une sorte d’assouplissement avec l’instauration de cycles étendus sur plusieurs classes, comment en finir avec ce déni généralisé où l’on fait semblant de croire que, dans toutes les écoles de France, on doit apprendre la même chose, au même âge et au même rythme ? Avec l’école à distance, les enseignant·es n’ont pas eu d’autre choix que de s’adapter au niveau, au profil et aux contraintes personnelles de leurs élèves. En s’écartant du programme, ils·elles ont pu pratiquer la différenciation pédagogique. « Une démarche encore trop peu développée en France », regrette Marc Vannesson.
Le retour à l’école ne permettra pas aux professeur·es de faire faire la même chose à tous les élèves sans tenir compte de ce qui s’est passé pendant le confinement : au sein d’une même classe, les écarts de niveau se seront creusés entre celles et ceux passant leur journée seul·es à jouer aux jeux vidéo et les autres, aidé·es par leurs parents pour les devoirs. Avec les vacances d’été, le fossé risque d’être encore plus important. Toutes les études indiquent que, lorsqu’il y a une rupture scolaire, l’été par exemple, la perte des apprentissages est élevée et encore davantage pour les élèves issu·es de milieux défavorisés.
« L’enseignement à distance a finalement montré que le programme n’est pas l’alpha et l’oméga d’une année scolaire », estime Marc Vannesson. De la même manière que la note n’est pas une fin en soi. Sans possibilité de contrôles sur table, le système d’évaluation, vieux serpent de mer à l’Éducation nationale, a été chamboulé. La circulaire du ministère du
4 mai a tranché : les notes n’ont pas été prises en compte sur les bulletins, mais uniquement dans les appréciations, « dans l’objectif de maintenir les élèves au travail ». Une précision qui en dit long, souligne le rapport de Vers le haut.
le recours à l’auto-évaluation
Trop souvent, la notation a un objectif de discipline, pas de progression. « Dans notre système éducatif, cette notion de classement est prégnante. Au risque d’oublier la dimension éducative de l’évaluation », explique Marc Vannesson. Avec le confinement, beaucoup d’enseignant·es ont expérimenté auprès des élèves des outils d’autoévaluation. Des techniques pédagogiques malheureusement trop rarement utilisées chez nous : en temps normal, 20,5 % des professeur·es de collège recourent à cette méthode, contre 41 % en moyenne dans les pays de l’OCDE, mentionne une étude Pisa. Alors que l’intérêt est indéniable : responsabiliser l’élève face à son travail. À la question sur les bénéfices retirés de l’école à la maison, le gain d’autonomie est l’élément le plus fréquemment invoqué par les élèves du CP à la terminale, relève une enquête menée par Pascale Haag, chercheuse à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et fondatrice de la Lab School.
De quoi inciter l’Éducation nationale à continuer à « prendre de la distance » avec les méthodes pédagogiques classiques et éviter le retour à « l’anormal ».
“Dans notre système éducatif, cette notion de classement est prégnante. Au risque d’oublier la dimension éducative de l’évaluation” Marc Vannesson, délégué général du think tank Vers le haut