3 questions à… Arnaud Gauffier
Arnaud Gauffier, directeur de la conservation à WWF France
Causette : L’IPBES, plateforme internationale d’experts dédiée à la biodiversité sous l’égide de l’ONU, vient de publier un rapport sur les pandémies*. Que nous apprend-il ?
Arnaud Gauffier : Il valide le lien entre les pandémies et la perte de la biodiversité. C’est ce que l’on appelle l’approche one health (« une seule santé »). Elle démontre que la santé humaine dépend de celle des écosystèmes. Leur destruction fait peser d’énormes risques sur nous [Le rapport estime que 827 000 virus d’origine animale pourraient infecter les humains à cause de la surexploitation de la nature, ndlr].
Il établit aussi que le coût de la Covid-19 est cent fois plus élevé que si on avait fait de la prévention. Comment, alors, anticiper les futures pandémies ?
A. G. : Chercher des vaccins ne suffit pas. Quand on en est là, c’est qu’on a loupé le coche. Il faut lutter contre le trafic d’espèces, établir une réglementation très sévère sur la gestion d’animaux sauvages et arrêter l’élevage industriel, qui est une catastrophe à double titre : on déforeste pour nourrir les bêtes, et leur concentration en fait des bombes à virus. Comme les 17 millions de visons au Danemark atteints par une mutation de la Covid19 qu’il a fallu abattre.
Y a-t-il un espoir que nos dirigeant·es prennent ce rapport en compte ?
A. G. : Notre avantage, c’est que les conséquences de la Covid-19 ont été très rapides. On peut donc espérer un sursaut. L’Union européenne travaille sur une réglementation contre la « déforestation importée », pour interdire sur le territoire européen l’entrée de produits qui ont conduit à la déforestation ailleurs. Si tout se passe bien, ce projet pourrait être discuté en 2021. * « Escaping the Era of Pandemics : Experts Warn Worse Crises to Come. Options Offered to Reduce Risk », IPBES, 2020.